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Chroniques du 9 Janvier.Sommaire :
Le Cénacle proprement dit est encore appelé "Cénacle de Joseph Delorme", en lhonneur du célèbre poème de Sainte-Beuve dans lequel ce terme se trouve appliqué au groupe damis et dartistes qui, de 1827 à 1830 (à peu près du "manifeste" de la préface de Cromwell à lapothéose d" Hernani " ), furent au cur de la révolution romantique.
Certes, Sainte-Beuve, qui entre en relation avec Victor Hugo après un article extrêmement élogieux dans Le Globe du 9 janvier 1827 sur le premier volume des Odes , y joue un rôle non négligeable par luvre de théoricien et de critique quil commence à édifier comme par laide matérielle quil lui apporte en faisant du Globe lorgane des théories nouvelles.
Mais cest bien Victor Hugo qui constitue la figure maîtresse du Cénacle. Il a abandonné son appartement de la rue de Vaugirard pour un autre plus spacieux, rue Notre-Dame-des-Champs ; Sainte-Beuve, si forte était alors lamitié qui unissait les deux hommes, emménage à quelques numéros de là. Les réunions, qui se tiennent chez Hugo, dans le salon appelé "chambre au lys dor" (la fleur poétique gagnée à lacadémie des jeux Floraux), rassemblent un nombre toujours plus grand de sympathisants et damis.
Lesprit qui animait ce groupe, assez ouvert pour recueillir presque tout ce que le romantisme français compta de gloires, et, fait nouveau dans lhistoire des lettres, les musiciens et surtout les artistes sy mêlaient de plus en plus nombreux aux écrivains. Tous les arts cherchaient à communier dans une même recherche. Jeunes rapins ou jeunes poètes, tous avaient le sentiment exalté de vivre un tournant de lhistoire en se débarrassant des conventions académiques et des vieux conformismes, pour inventer des formes résolument modernes, laissant libre cours à limagination. Chacun lisait ses uvres, on se dispensait mutuellement encouragements et félicitations ; véritable "camaraderie littéraire", pour reprendre lexpression dun détracteur, Henri de Latouche.
Les plus célèbres des réunions du Cénacle furent les lectures des pièces de Hugo, Marion Delorme (10 juill. 1829), alors appelée Un duel sous Richelieu , où assistèrent notamment Balzac, Eugène Delacroix, Vigny, Dumas, Musset, Sainte-Beuve, Villemain, Mérimée, Armand et Édouard Bertin, Louis Boulanger, Frédéric Soulié, Taylor, Soumet, Émile et Antony Deschamps, les frères Devéria, Charles Magnin, Mme Belloc, Mme Tastu. La lecture d "Hernani" (30 sept. 1829), véritable soirée historique, fut le prélude à la bataille de la représentation du 25 février 1830 et des suivantes ; dans les semaines qui précédèrent cette bataille, gagnée de haute lutte, la maison de Hugo ressemblait davantage à un quartier général, où les combattants viennent prendre les instructions, quà un salon littéraire.
Mais cette même année 1830 marque la fin du Cénacle : jalousies et rivalités de théâtre, répercussions de la révolution de 1830 qui désagrège et éparpille le groupe suivant les prises de position des uns et des autres ; refroidissement certain dans les rapports entre Victor Hugo et Sainte-Beuve, dû autant au malaise croissant du critique devant labsence de mesure, déquilibre et de bon goût du génie hugolien quà lattraction réciproque que savouent Adèle Hugo et "Joseph Delorme", alias " Sainte-Beuve (qui deviendront dailleurs amant.
Hugo lui-même éprouve le besoin dune plus grande solitude méditative et imaginaire (cest lheure des Feuilles dautomne ), et se sent peut-être las de jouer au général en chef dune armée littéraire. Dès lété de 1830, il déménage et va sinstaller rue Jean-Goujon, dans un quartier lointain et alors peu fréquenté. Les foyers du romantisme vont essaimer, se multiplier et se diversifier, désormais chaque aventure sera menée en ordre dispersé, chaque exploit deviendra plus solitaire.
1836 Lexécution dun assassin resté célèbre grâce au cinéma, Pierre François Lacenaire.Bien éclipsée pendant un siècle par tant dautres criminels aussi effrayants et plus récents, la figure de Lacenaire est sortie de lombre grâce aux " Enfants du paradis " de Prévert et Carné.
Fils dhonorables commerçants établis près de Lyon, élève au lycée de cette ville puis au petit séminaire dAlès dont il est chassé, Pierre-François Lacenaire entame sa licence en droit à Chambéry. Ses indélicatesses et ses débauches le contraignent à chercher refuge à Paris en 1825. Il sait sy faire accueillir par les journaux de lopposition. Mais un duel malheureux, en 1829, avec un neveu de Benjamin Constant, quil tue, le prive de ressources. Il vole et revend alors un cabriolet, ce qui lui vaut un an de prison purgé à Poissy. Il fait là, dira-t-il, son "université criminelle" et, dès sa sortie, fonde une association de malfaiteurs.
Il encourt bientôt une nouvelle condamnation en 1832 et cest en prison quil écrit une ballade qui le rend célèbre, " Pétition dun voleur à un roi, son voisin " . Cela lui vaut dentrer au journal " Le Bon Sens " (dirigé par Altaroche, un détenu politique) où il publie un article remarqué sur le régime pénitentiaire, " Les Prisons et le régime pénitentiaire ". Lacenaire y décrit linitiation criminelle et les murs infâmes qui sont de règle dans les maisons centrales.
Sans argent, il décide dégorger les garçons de recettes des banques au retour de leur tournée. Au deuxième crime, sa tentative échoue. Il est identifié et arrêté par le célèbre policier Canler en 1835. Les assises de la Seine le condamnent à mort. En attendant son exécution, il écrit ses " Mémoires et révélations " qui dénotent un indéniable don littéraire ; il reçoit dans sa cellule la haute société parisienne, "émerveillée par son éducation et son talent", qui vient solliciter des autographes.
Il est exécuté le 9 janvier 1836, refusant les prières de laumônier, lui qui avait écrit : " Dieu, le Néant, notre âme, la Nature ; Cest un secret. Je le saurai demain ".
1945 Lexécution dun haut fonctionnaire du III° Reich, opposé à Hitler, Karl Goerdeler.Né en 1884, Karl-Friedrich Goederler, après des études de droit à Tübingen et à Königsberg, entre en 1911 dans ladministration communale. Maire de Königsberg (1922), puis de Leipzig (1930), il se révèle un grand administrateur et un excellent organisateur, notamment dans le domaine économique. Sceptique envers le régime parlementaire, il était membre du Parti national allemand. En décembre 1931, le chancelier Brüning fait appel à lui pour assurer la charge de Reichskommissar (commissaire du Reich) pour les prix.
À lavènement de Hitler, Goerdeler accorde sa confiance aux nouveaux dirigeants sans adhérer au parti et accepte de collaborer avec les nazis. Hitler le nomme à nouveau commissaire du Reich aux prix le 5 novembre 1934. Mais Goerdeler ne tarde pas à reconnaître lincompatibilité entre ses idées dun État constitutionnel libéral et les thèses du national-socialisme. Il quitte son commissariat en juillet 1935 ; deux ans plus tard, il est obligé dabandonner sa charge de maire de Leipzig.
Devenu conseiller financier de la Stuttgart Company, que dirige lindustriel antinazi Robert Bosch, Goerdeler entreprend de nombreux voyages à létranger ; il y noue des relations grâce auxquelles il va devenir bientôt le pivot central du mouvement de la résistance au nazisme. Sa personnalité, assez énigmatique, simpose si impérieusement que les conjurés, discutant de léventualité dun changement de régime, le désignent comme futur chancelier du Reich.
Mais si Goerdeler fait preuve dune volonté puissante, il na en revanche aucun sens des réalités. De 1941 à 1943, tandis que les résistants de tous horizons rongent leur frein, Goerdeler, lui, rédige dinterminables mémorandums, élabore des projets de constitution, organise le futur gouvernement quil substitue déjà en esprit à celui de Hitler... Pour se concilier dautres chefs de lantinazisme et malgré ses opinions conservatrices aussi rigides que sa personne, il adopte en partie leur programme politique de gauche.
Par ses amis à létranger il tente dobtenir des Alliés lassurance quune paix honorable serait accordée au gouvernement qui succéderait à celui de Hitler après le coup dÉtat. À lautomne de 1943, il leur fait parvenir un mémorandum dans lequel il demande la reconnaissance des frontières allemandes de 1914, modifiées de façon à y inclure le pays des Sudètes et lAutriche. Il ignore manifestement que les Alliés combattaient moins le national-socialisme quune Allemagne forte. Son échec est total sur ce plan.
Tout en refusant dadmettre lassassinat de Hitler, Goerdeler ne cesse daiguillonner les conspirateurs qui ladmirent mais ne laiment guère : "Irréductible et rétrograde" (Moltke) ; "téméraire, infatigable et réactionnaire" (von Hassel) ; "dune rare indiscrétion" (Gisevius) ; "cest le promoteur dune révolution de barbes grises" (Stauffenberg). Tout un groupe de conspirateurs dirigés par Stauffenberg tournent leurs regards vers lest ; Staline serait-il plus compréhensif que Churchill et Roosevelt ; Stauffenberg décide pourtant de passer à laction au lendemain du débarquement en Normandie.
Goerdeler, qui fait depuis longtemps lobjet dune surveillance étroite de la part de la Gestapo, est arrêté le jour même de lattentat manqué du 20 juillet 1944. En prison, Goerdeler écrivit, à la demande de ses geôliers, une étude concernant ladministration future de lÉtat sous le régime... national-socialiste. Désireux de prolonger la procédure, il accumulait dautre part les détails lors de ses interrogatoires. Entre le 3 et le 9 janvier 1945, Goerdeler dicta quatre-vingt-deux pages dactylographiées sur le problème des réformes financières. Un autre texte, de sa main, sarrête au milieu dune phrase à la page soixante et une. Sans doute vint-on alors le chercher pour lexécuter avant quil neût le temps de le terminer.
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Toutes ces chroniques ont été écrites par Cam (cleclercq@cybernet.be)
Dernière modification le 19/01/99,
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