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Chroniques du 8 février.

Sommaire :

590

Le pape Pélage II meurt de la peste. L’effroi règne dans la ville éternelle.

Vers 542 éclata l’épidémie de peste appelée peste de Justinien. Elle commença à Pelouse en Égypte (probablement apportée d’Asie par des marins). Elle s’étendit suivant un double courant, d’une part sur Alexandrie et le reste de l’Égypte, d’autre part sur la Palestine et le Liban. Aucune région n’était à l’abri. Elle débutait toujours par les côtes maritimes et s’avançait progressivement vers l’intérieur des terres. On n’avait aucun moyen efficace, soit pour prévenir à temps l’invasion de la maladie, soit pour en conjurer la terminaison fatale. Ceux dont le bubon prenait le plus d’accroissement et mûrissait en suppurant réchappèrent pour la plupart. L’épidémie de Constantinople dura quatre mois, le chiffre des morts s’accrut chaque jour jusqu’à 5000, pour s’élever enfin à 10000 et même davantage. Les gens lui attribuaient une explication divine : la vengeance du ciel !

La peste de Justinien frappa l’Occident et le Moyen-Orient à plusieurs reprises jusqu’à la fin du siècle suivant. Grégoire de Tours en parle plusieurs fois dans son Histoire des Francs  : il la cite à Arles en 549 (" cette province est cruellement dépeuplée "), à Clermont en 567 (" un certain dimanche, on compta 300 cadavres dans la cathédrale "), à Lyon, à Bourges, Chalon (sur Saône), Dijon... En plus de l’Italie et de la Gaule, elle ravagea l’Espagne puis revint en Orient.

Pour la première fois se rencontra sous la plume des chroniqueurs la mention du bubon inguinal ou axillaire, qui permet de citer cette épidémie comme la première peste bubonique authentique ; Grégoire de Tours précise : " La maladie qu’on nomme inguinale ravageait plusieurs pays [...]. Il naissait, à l’aine ou sous l’aisselle, une plaie en forme de serpent dont l’action était telle sur les hommes qu’ils rendaient l’âme le deuxième ou troisième jour de la maladie et que sa violence leur ôtait complètement le sens. "

Mais à cette forme bubonique classique vint s’ajouter la forme pulmonaire, hautement contagieuse et cause d’effroyables hécatombes. Morts en quelques heures, parfois subitement, les pesteux pulmonaires avaient auparavant contaminé leurs proches par leur toux et leurs éternuements. De cette épidémie date l’expression " Dieu vous bénisse " car, dit Jacques de Voragine dans La Légende dorée,  " s’il arrivait que quelqu’un éternuât, souvent alors il rendait l’âme. Aussi, entendait-on éternuer, aussitôt on criait : Dieu vous bénisse. "

Warnefried résuma tristement : " L’épidémie dépeupla les villes, changea la campagne en désert et fit que les habitations des hommes devinrent le repaire des bêtes sauvages. " Évagre le Scolastique cite, dans son " Histoire ecclésiastique " : " Lorsque j’écris ces lignes, à l’âge de cinquante-huit ans (592), la maladie sévit pour la quatrième fois à Antioche ; j’ai perdu pendant ses autres visites plusieurs de mes parents, ma femme, mes enfants, mes domestiques et de nombreux concitoyens ; en ce moment, j’ai perdu ma fille et mon petit-fils. "

Pendant l’hiver de 589, la peste de Justinien frappa lourdement Rome et lorsque le pape Pélage II, atteint à son tour, mourut le 8 février 590, la terreur des Romains fut à son comble.

Son successeur fut le célèbre saint Grégoire qui organisa en avril une procession durant laquelle l’Ange exterminateur apparut au sommet du môle d’Hadrien et remit au fourreau son épée ensanglantée : la peste cessa aussitôt et dès cette époque le môle d’Hadrien s’est appelé château Saint-Ange.

1124

La mort d’un ermite exceptionnel, bientôt canonisé, Saint Etienne de Muret.

Né vers 1048, pendant quarante-six ans, Étienne aurait été ermite à Muret, près d’Ambazac (en Haute-Vienne), vivant de bouillie de seigle et d’eau, portant une cuirasse à même la peau, se servant des mêmes vêtements toute l’année et couchant dans une fosse creusée dans la terre. Il recevait beaucoup de visiteurs venus lui demander des consolations, des secours, des guérisons. Il mourut sans laisser aucun écrit. Ses disciples se transportèrent à Grandmont près de Saint-Sylvestre (Haute-Vienne).

Au milieu du XIIe siècle, Hugues de Lacerta réunit les Pensées  du saint et Étienne de Liciac composa une règle. À ces œuvres vinrent s’ajouter une Vie  du saint et des Coutumes .

L’ordre de Grandmont était constitué de petites communautés à la vie austère mais moins structurée que dans les monastères. L’administration temporelle était confiée exclusivement aux convers, ce qui amena des conflits. Les Grandmontains furent connus sous le nom populaire de Bons Hommes. Leur ordre subsista jusqu’au XVIIIe siècle. Saint Étienne de Muret est fêté le 8 février, probablement la date anniversaire du jour de sa mort.

1659

Le mariage du Marquis de Langey est annulé, suite à un " congrès " !

Le Seigneur de Langey était le descendant d’une illustre famille de grands " commis ", des hommes d’état tout dévoués au Roi et à la France. Son mariage avec une obscure aristocrate, pour des raisons pécuniaires et de "domaines" ne lui plaisait guère. Il ne dut guère " honorer " son épouse qui l’accusait de la mépriser.

Il le somma de lui rendre les devoirs conjugaux ou de divorcer : en cause son impuissance.

Elle obtint de l’Eglise que se réunît un " congrès ", le 8 février, pour juger de ses capacités maritales. Mais le marquis ne put satisfaire à cet examen conjugal. Dame, devant plusieurs prélats, des hommes de droit, d’Eglise et des témoins, ce n’est guère évident !

Le Congrès est le terme ecclésiastique pour désigner cette cérémonie qui oblige une personne à rendre ses devoirs conjugaux à son conjoint devant des témoins " dignes de foi " ! Notez que dans le " Khama-Soutra ", le terme de " Congrès " désigne l’union d’un homme et d’une femme dans l’acte sexuel ! Il y a de ces bizarreries.

Le marquis fut donc condamné et perdit le divorce et quelques-unes de ses terres. Il en fut tout marri surtout lorsque le nom même de " langey " devint synonyme d’impuissant et même de " cocu ". Mais il avait encore bien de la puissance et des terres pour trousser d’autres jeunettes. Et même pour se remarier.

Ce qui est piquant, c’est qu’il eut par la suite 6 enfants de sa seconde épouse.

1807

La bataille – ou plutôt la boucherie - d’Eylau, victoire napoléonienne mais chèrement acquise.

La bataille a été immortalisée par le peintre Antoine-Jean Gros " Napoléon sur le champ de bataille d’Eylau ". C’est Murat cependant qui en est le héros puisque ses charges de cavalerie décidèrent de la victoire, sans appel.

Elle illustre aussi la faiblesse de l’intendance, un corps d’armée à lui seul qui organise tous les problèmes logistiques. Mais elle manque de moyens et est souvent dépassée. C’est ainsi que Napoléon faillit perdre la bataille contre les Russes car les Français combattirent " le ventre creux ".

Mais l’organisation de l’intendance Russe n’étant pas meilleurs, certains soldats manquaient d’équipement et de munitions !

Cette bataille fait partie de la guerre contre la Prusse et la Russie.

Napoléon avait supprimé le Saint-Empire Germanique, ce qui inquiéta la Prusse qui se coalisa avec la Russie. Mais les Russes battus à Iéna et les Russes à Eylau et à Friedlandt, la coalition vaincue dut reconnaître les acquis Français lors de la Paix de Tilsit. C’est la Prusse qui en sort humiliée, la Russie obtient un pacte d’alliance avec la France.

1869

Le cours de gymnastique est introduit dans l’enseignement en France.

C’est sous le second Empire qu’un décret impérial imposa le cours de gymnastique dans l’enseignement public en France ; mais les écoles privées ne l’intégrèrent que bien plus tard, certaines mêmes après 1918.

Certes la 1ère association gymnique de France vit le jour à Lyon en 1841, et le premier club pour jeunes en 1861 à Guebwiller en Alsace   il reste encore aujourd'’ui le plus ancien club de Frrance toutes catégories. Mais la France restait à la traîne des grands pays Européens.

Dans le sillage du grand mouvement de retour à la nature (qui accompagne le Romantisme) et donc à l’Homme, La Prusse et l’Allemagne en 1er lieu, mais aussi la Suisse, l’Autriche, l’Angleterre et puis l’Italie, avaient pris une avance considérable depyuis plus d’un demi siècle en ce domaine de la formation physique.

La France ignorait cette évolution. Son " grand corps inerte " ; ainsi que l’écrivit Coubertin, fut cependant secoué de temps à autre par les vigoureuses interventions de penseurs, de philosophes, d’écrivains. Ainsi, en 1871, dans ses Notes sur l’Angleterre , Taine dénonçait l’éducation française : " L’adolescence se passe chez nous sous une cloche artificielle à travers laquelle suinte l’atmosphère morale et physique d’une capitale. Chez les Anglais, à l’air libre, sans séquestre d’aucune sorte, dans la fréquentation constante des champs, des eaux et des bois. Or, c’est un grand point pour le corps, l’imagination, l’esprit et le caractère que de se développer dans un milieu sain, calme et conforme aux sourdes exigences de leurs instincts... L’adolescent a besoin de mouvement physique ; il est contre nature de l’obliger à être un pur cerveau, un cul-de-jatte sédentaire. Ici, en Angleterre, les jeux athlétiques, la paume, le ballon, la course, le canotage et, surtout, le cricket occupent tous les jours une partie de la journée. En outre, deux ou trois fois par semaine, les classes cessent à midi pour leur faire place. L’amour-propre s’en mêle ; chaque école veut l’emporter sur ses rivales et envoie aux concours des rameurs et des joueurs choisis et soigneusement exercés [...]. Il n’y a pas en Angleterre de séparation profonde entre la vie de l’enfant et celle de l’homme fait. L’école et la société sont de plain-pied, sans mur ou fossé intermédiaire, l’une conduit et prépare l’autre. L’adolescent ne sort pas comme chez nous d’une serre à compartiments ; il n’est pas troublé, désorienté par un changement d’air. Non seulement il a cultivé son esprit, mais encore il a fait l’apprentissage de la vie... "

En effet, deux ans après le décret impérial, il n’a pas encore été appliqué. La guerre de 1870 a retardé la mise en place des structures nécessaires. La Troisième république mettra du temps à diminuer le retard de la France.

Émile Zola, dont on connaît l’amour pour la bicyclette, apporta lui aussi sa pierre, à la fin du XIXe siècle :

" Le corps, comme aux meilleurs temps du mysticisme, est singulièrement en déchéance chez nous. Il y a hypertrophie du cerveau, les nerfs se développent au détriment des muscles et ces derniers, affaiblis et fiévreux, ne soutiennent plus la nature humaine. L’équilibre est rompu entre la matière et l’esprit... Je voudrais que tout Paris, comme l’ancienne Lacédémone, se portât aux Champs-Élysées et s’y exerçât à la course, au jet du javelot ou du disque [...]. Mais nous voici avec nos habits modernes, régis par des idées de civilisation, constamment protégés par des lois, portés à remplacer l’homme par la machine, ivres de savoir et d’adresse. Quel besoin avons-nous donc d’être forts, d’avoir des muscles d’une forme parfaite et d’une vigueur extrême ? [...]. Avec un pareil régime, nous allons tout droit à la mort. Le corps se dissout, l’esprit s’exalte ; il y a détraquement de toute la machine. Les œuvres produites en arriveront à la démence. La gymnastique a été une nécessité sociale, presque une religion, pendant la période grecque ; elle a été un amusement, une passion honteuse sous l’Empire romain ; elle doit être chez nous un simple remède, un préservatif contre la folie "

Si bien que le baron Pierre de Coubertin, de retour d’un long voyage aux États-Unis, pourra déclarer en prenant fait et cause dans son ouvrage " Universités américaines " , en 1889, pour le modèle anglo-saxon : " Au moment où se manifeste en France la préoccupation de donner à l’éducation physique la place importante qu’elle comporte, il était intéressant de jeter les yeux sur un pays où les deux systèmes d’éducation physique les plus opposés se trouvent en présence : jeux libres venus d’Angleterre ; gymnastique scientifique venue d’Allemagne. Il importe de remarquer que les jeux libres, par le fait même que la liberté préside à leur organisation, s’accommodent du voisinage de la gymnastique. L’intolérance au contraire fait le fond de la gymnastique allemande ; elle ne connaît que les mouvements d’ensemble, discipline rigide et réglementaire perpétuelle. C’est un avertissement pour nous de ne pas laisser prendre à l’éducation physique le caractère scientifique et autoritaire que voudraient lui donner certains théoristes plus soucieux des principes que de leur application, amis du rationnel et ignorants de la pédagogie.
Coubertin fut écouté par certains ministres, notamment par Jules Simon, qui régna longtemps en France sur l’éducation publique. Ce dernier écrivait, en 1889 également : On fait un bachelier, un licencié, un docteur, mais un homme, il n’en est pas question. Au contraire, on passe quinze années à détruire sa virilité. On rend à la société un petit mandarin ridicule qui n’a pas de muscles, qui ne sait pas sauter une barrière, qui a peur de tout, qui, en revanche, s’est bourré de toutes sortes de connaissances inutiles, qui a besoin d’être dirigé en toutes choses : il faut, dit-il, que l’État me prenne par la main comme l’a fait jusqu’ici l’université. On ne m’a appris qu’à être passif. Un citoyen, dites-vous ? Je serais peut-être un citoyen si j’étais un homme ".

Rudyard Kipling nous propose une merveilleuse illustration de cette attitude à l’égard du sport :

" Si tu peux affronter triomphes et défaites Et traiter ces deux imposteurs de la même manière
Si tu sais forcer le chemin de la victoire Et risquer ta gloire sur un seul coup de dés
Et perdre et repartir de zéro, Et ne jamais te plaindre après avoir perdu,
Si tu sais contraindre ton cœur, tes nerfset tes muscles, À te servir alors qu’ils ont déjà faibli,
Et tenir bon encore lorsque tu es vidé Sauf de ta volonté qui te répète " tiens bon ",
Si tu sais franchir la minute inexorable, Quand il ne reste plus que soixante secondes de course,
Alors le monde t’appartient... "

Pour en revenir au décret impérial de 1869, la réaction de l’opinion publique fut catastrophique : Injures, pamphlets, caricatures, lazzi de toutes sortes, mobilisation des parents craignant pour leurs enfants, tout se mit en place pour retarder l’application de cette mesure.

1958

L’affaire de Sakhiet – Sidi – Youssef provoque la " rentrée politique " du Général de Gaulle.

Le bombardement d’un village frontalier tunisien par l’aviation française, contre la volonté même du gouvernement de Paris, va changer le cours de la " Guerre d’Algérie " (guerre d’Indépendance).

Le FLN y avait ses cantonnements et à plusieurs reprises la France avait demandé à la Tunisie (indépendante depuis deux ans) de les en déloger. Mais rien n’avait bougé malgré plusieurs promesses.

Les généraux " algériens " Challe et Jouhaud, prendront seuls la décision de bombarder Sakiet, sans en référer à Paris. Le bombardement systématique fit très peu de blessés dans le FLN, par contre il tua plus de 70 civils et fit 80 blessés graves dans une population villageoise peu nombreuse.

L’émotion fut grande dans l’opinion internationale, déjà alertée par une partie des intellectuels français qui dénonçaient sans relâche l’usage de la torture.

En France, le prolongement de la guerre d’Algérie contribua à la faillite de la IVe République et au retour au pouvoir du général de Gaulle.

Cam.

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Toutes ces chroniques ont été écrites par Cam (cleclercq@cybernet.be)
Dernière modification le 10/02/99, ©camilist 1998 --- une remarque ? jrmasson@nordnet.fr !