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Chroniques du 21 février.

Sommaire :

1173

Thomas Becket est canonisé, 3 ans après son martyre.

L’archevêque de Cantorbéry avait osé reprocher au Roi d’Angleterre, Henri II, son inconduite. Quelques chevaliers, instigués par le roi, ou à son insu mais pour lui plaire, assassinèrent le prélat dans sa Cathédrale.

J’en ai parlé le jour anniversaire de sa mort le 29 décembre. Référez-vous à cette Chronique.

1559

Une curieuse vente aux enchères à Paris.

Le Parlement de Paris avait décrété quelques dizaines d’années auparavant, que les endroits fréquentés la nuit devaient être éclairés afin de protéger les honnêtes tgens contre la racaille qui profitait de l’obscurité pour accomplir ses sombres forfaits.

Des dizaines d’endroits avaient donc été dotés de ce qu’on appellerait aujourd’hui du " mobilier urbain ", bref, des lanternes protégées du vent et de la pluie.

Mais cette année-là,, suite aux guerres contre l’Empereur Charles-Quint, pour la possession de l’Italie, suite aux défaites de Gravelines contre l’Espagne, l’Empire et la Flandre, les caisses royales sont vides et le Roi menace le Parlement. Mais les caisses de Paris sont vides également, trop ponctionnées par de multiples guerres.

Alors le Parlement prend la décision de vendre aux enchères le mobilier urbain, dont les fameuses lanternes. Ce qui constitue sans doute une " première " dans l’Histoire de la France tout au moins.

1885

La naissance d’un écrivain humoriste, homme de théâtre et du monde, Alexandre Guitry, dit Sacha.

Fils d’un comédien célèbre (Lucien Guitry créa le rôle de Cyrano de Bergerac dans la pièce d’Edmond Rostand), Alexandre, dit Sacha, Guitry est né à Saint-Pétersbourg. Auteur de 139 pièces, brèves ou longues, il débuta à vingt ans avec " Nono ".

De sa longue carrière théâtrale se détachent " Faisons un rêve ", " Mon père avait raison " et " Désiré ", qu’il adapta l’un et l’autre au cinéma (1936 et 1937), et " N’écoutez pas, mesdames ". En 1932, il prononça une conférence au titre significatif : " Pour le théâtre et contre le cinéma ". Au cinéma, à ses yeux, il ne manquait que la parole, c’est-à-dire tout. Le parlant le fit toutefois revenir sur ses positions. Il laissa tout d’abord aux autres le soin d’adapter ses pièces (" le Blanc et le Noir ", par Marc Allégret en 1931), mais il réalisa lui-même " Pasteur " en 1935, un hommage à ces grands hommes de l’histoire de France qu’il ne manquait jamais de célébrer.

En 1936, il signa un film singulier qui reste une étape importante dans l’histoire du cinéma parlant : " le Roman d’un tricheur ", ou les aventures d’un tricheur professionnel qui finira par perdre tout ce qu’il avait gagné. Sa filmographie rassemble des longs-métrages éblouissants par la verve des dialogues et la finesse des intrigues : " Quadrille " et " Remontons les Champs-Élysées " en 1938. Les lourdes machines historiques à succès de l’après-guerre " Si Versailles m’était conté ", " Chronique de la cour de Louis XIV à la Révolution française " en 1954, " Napoléon " et " Si Paris nous était conté " en 1955, ne font que confirmer ses nombreux talents.

Son attitude pendant la guerre (il vit dans le régime de Vichy un moment fascinant de l’histoire de France, sans pour autant collaborer avec l’occupant) lui valut quelques ennuis à la Libération et lui coûta son siège à l’académie Goncourt. Il s’en vengea avec un film éblouissant par ses propres performances d’acteur et son assimilation à un personnage expert en double jeu (" le Diable boiteux ", sur la vie de Talleyrand, 1948). Ses dernières réalisations cinématographiques (" la Poison " et " la Vie d’un honnête homme " en 1953) dressent le portrait d’un homme amer et caustique, souvent désespéré, mais toujours brillant.

1903

La naissance d’un écrivain mystérieux, Raymond Queneau, le père bon enfant de " Zazie ".

Je naquis au Havre un vingt et un février
En mil neuf cent et trois
Ma mère était mercière et mon père mercier
Ils trépignaient de joie.
Inexplicablement je connus l’injustice
Et fus mis un matin
Chez une femme avide et bête, une nourrice,
Qui me tendit son sein.
De cette outre de lait j’ai de la peine à croire
Que j’en tirais festin
En pressant de ma lèvre une sorte de poire
Organe féminin.

Raymond Queneau effectua de nombreuses recherches sur le style et sur la langue elle-même, et fut, avec le mathématicien François Le Lionnais, le fondateur de l'OuLiPo.

A Paris en 1920, il étudie la philosophie et les sciences. Surréaliste, il rompt avec André Breton. Malgré cela, ses premières œuvres se ressentent nettement de l'influence du mouvement, sur lequel elles se fondent pour mieux le dépasser. En effet, d'entrée de jeu, Queneau établit une sorte de " renversement " des principes surréalistes, en accordant un rôle primordial à la construction romanesque et en portant une attention particulière au langage, considéré non plus comme un vecteur sémantique, mais, au contraire, comme un outil quasi scientifique.

Dès le Chiendent, (1933), roman fondé sur des contraintes formelles, dont le récit, parfaitement circulaire, se termine sur la phrase par laquelle il avait commencé, il évoqua la plupart des thèmes qui seront orchestrés dans l'œuvre future (prédilection pour la banlieue parisienne, hantise de la guerre, mise en scène de personnages médiocres).

Toutefois, la matière philosophique du roman ne comporte pas ce qu'on pourrait appeler une " vision du monde ". Elle se trouve mêlée à la matière narrative sur un mode ludique, ou parodique, si l'on donne à ce terme son sens de mise à distance critique. De fait, sa composition obéit à des règles strictes, symboliques, chiffrées ou rythmiques (par exemple la division en chapitres est commandée par le chiffre sept, allusion biographique, puisque les deux noms Raymond et Queneau sont composés chacun de sept lettres).

Par ailleurs, avec ce roman, l'auteur inaugure ce qui deviendra une constante de son écriture romanesque : une imitation du langage parlé, voire populaire. À la suite du Chiendent, Queneau publia une autobiographie en vers (Gueule de pierre, 1933), un roman en vers (Chêne et Chien, 1937) à la dimension autobiographique codée (" chêne " et " chien " sont deux racines probables du nom de Queneau), puis, entreprit la rédaction d'une anthologie des " fous littéraires ", qui, ne trouvant pas d'éditeur, donna naissance à un nouveau roman : " les Enfants du limon " en 1938.

Extrait de " Chêne et Chien ".

" L’herbe : sur l’herbe je n’ai rien à dire
Mais encore quels sont ces bruits
Ces bruits du jour et de la nuit
Le vent : sur le vent je n’ai rien à dire
Le chêne : sur le chêne je n’ai rien à dire
Mais qui donc chantonne à minuit
Qui donc grignote un pied du lit
Le rat : sur le rat je n’ai rien à dire
Le sable : sur le sable je n’ai rien à dire
Mais qu’est-ce qui grince ? c’est l’huis
Qui donc halète ? sinon lui ?
Le roc :sur le roc je n’ai rien à dire
L’étoile : sur l’étoile je n’ai rien à dire
C’est un son aigre comme un fruit
C’est un murmure qu’on poursuit
La lune : sur la lune je n’ai rien à dire
Le chien : sur le chien je n’ai rien à dire
C’est un soupir et c’est un cri
C’est un spasme et un charivari
La ville : sur la ville je n’ai rien à dire
Le cœur : sur le cœur je n’ai rien à dire
Du silence à jamais détruit
Le sourd balaye les débris
Le soleil : ô monstre, ô Gorgone, ô méduse, ô soleil.

Entré aux éditions Gallimard en 1936, Queneau en devint le secrétaire général en 1941. Entre-temps, il avait fait paraître " Un rude hiver " (1940). Vinrent ensuite " Pierrot mon ami " (1942), sorte de roman policier qui présente un univers foisonnant de signes ambigus, " Loin de Rueil " (1944) et surtout les fameux " Exercices de style " en 1947, qui racontent quatre-vingt-dix-neuf fois la même anecdote en recourant à des principes de narration, à un vocabulaire ou à un ton chaque fois différents.

Queneau entre ensuite dans une nouvelle période de recherches formelles, fondant notamment le non conformiste " Club des Savanturiers " (avec Jean Queval et Boris Vian), adhérant au Collège de pataphysique et travaillant à plusieurs adaptations cinématographiques : " la Mort en ce jardin ", de Bunuel, " Monsieur Ripois ", avec Gérard Philipe, " le Dimanche de la vie ", réalisé par René Clément.

Il fréquente également Saint-Germain-des-Prés aux côtés de Boris Vian et qu'il composa des chansons (notamment la célèbre " Si tu t'imagines ", interprétée par Juliette Gréco).

Apprécié par le public, Queneau fut aussi reconnu par la critique et les professionnels de la littérature en étant élu en 1951 membre de l'Académie Goncourt. Parallèlement à son activité d'écrivain, il mena une activité d'encyclopédiste. Il coordonna la conception d'une anthologie des écrivains célèbres, publiée en 1951, puis prit la tête de l'Encyclopédie de " la Pléiade " à partir de 1956.

Le succès de " Zazie dans le métro " (1959), roman adapté au cinéma par Louis Malle dès 1960, témoigne de l'audience importante désormais acquise par Queneau, qui créa en 1960, avec François Le Lionnais, l'Ouvroir de Littérature Potentielle (OuLiPo), réunissant des écrivains et des mathématiciens (et auquel se joignirent plus tard Georges Perec, Jacques Roubaud et Italo Calvino).

Atelier de recherches et d'expérimentation des formes, l'OuLiPo fut à l'origine de l'invention de multiples contraintes nouvelles. C'est le cas de la méthode " S+7 ", consistant à remplacer chaque mot d'un texte (à l'exception des mots-outils) par le septième qui suit dans le dictionnaire. Ainsi Queneau transforma-t-il la fable de La Fontaine la Cigale et la Fourmi en un autre texte, " la Cimaise et la Fraction ", devenu célèbre :

" La cimaise ayant chaponné tout l'éternueur " " Se tuba fort dépurative quand la bisaxée fut verdie
" Pas un sexué pétographique morio de mouffette ou de verrat. " Elle alla cocher frange
" Chez la fraction sa volcanique

Désormais considéré comme un écrivain important, Queneau poursuivit son œuvre poétique avec " Cent Mille Milliards de poèmes " (1961), recueil fondé sur un jeu de découpage qui permet une combinatoire infinie entre les vers de chacun des poèmes, et son œuvre romanesque avec " les Fleurs bleues " (1965), qui reposent sur une structure onirique et utilisent les postulats de la psychanalyse. Parmi ses autres ouvrages publiés de son vivant figurent un récit (" le Vol d'Icare ", 1968) et un recueil de poésie : " Fendre les flots " en 1969.

Il meurt à Paris, le 25 Octobre 1976.

1916

La bataille de Verdun, une des plus sanglantes et des plus inutiles de l’Histoire, commence.

À l’aube de l’année 1916, le commandement allemand, décidé à user complètement l’armée française en l’obligeant à s’engager à fond, choisit d’attaquer Verdun, (département de la Meuse) saillant vulnérable dans la ligne de défense allemande, pivot du front fortifié et ville historique que les Français voudront défendre coûte que coûte. Le plan du Kronprinz, commandant la Ve armée allemande, est de rompre le front nord du saillant dans la plaine de la Woëvre et d’exploiter le succès par les ailes, d’abord sur la rive droite de la Meuse pour refouler les Français sur la rivière, puis sur la rive gauche pour leur couper la retraite.

Les Français, qui ont relevé des indices d’attaque prochaine sur Verdun, renforcent l’infrastructure routière et ferroviaire de cette région dès janvier et le dispositif des troupes en février.

Le lundi 21 février, après une courte mais violente préparation d’artillerie, le Kronprinz lance une attaque brusquée avec trois corps d’armée. Les deux divisions françaises qui défendaient les seize kilomètres de la première position sont submergées. Le 25, les Français évacuent la Woëvre et reportent leur défense sur les hauts de Meuse, en restant sur la rive droite où le général Joffre a prescrit à la IIe armée du général Pétain (le futur Maréchal) d’arrêter l’ennemi à tout prix.

Les Allemands ne reprennent l’offensive que deux jours plus tard (le 27), le temps de déplacer leur artillerie et en vertu du principe, ancré dans les esprits depuis les combats de Champagne, que "l’artillerie conquiert et l’infanterie occupe". La lenteur de l’exploitation du succès allemand permet aux Français d’amener des renforts. Leur front résiste.

En mars et en avril, le Kronprinz s’acharne à progresser sur les deux rives de la Meuse, mais n’obtient que des succès partiels. C’est alors que Pétain adresse à ses troupes l’ordre du jour fameux se terminant par ces mots : "On les aura !"

Constatant que les Français ont engagé à Verdun plus de divisions que lui-même (40 contre 26), le haut commandement allemand en déduit qu’ils s’épuisent et ne tarderont pas à s’effondrer. Il se trompe : si les divisions françaises passent si nombreuses sous Verdun, c’est que le commandement français y a établi une "noria" de toutes ses grandes unités, qu’il relève avant qu’elles ne soient trop éprouvées.

Le 23 juin, les Allemands lancent un assaut qu’ils espèrent décisif. Le fort de Souville est bordé. S’il tombait (comme vient de le faire le fort de Vaux le 6 juin après une longue résistance), les Français seraient contraints à un repli sur la rive gauche. Le 24 juin, la IIe armée jette et refoule l’ennemi ; lui aussi est épuisé, et il doit se renforcer désormais vers la Somme, où les Alliés préparent une offensive depuis six mois.

Le déclenchement de cette offensive en juillet et une nouvelle offensive des Russes sur le front oriental obligent les Allemands à relâcher leur pression sur Verdun. En décembre, Mangin reprendra les forts perdus, mais d’ores et déjà Verdun est sauvé. Près de sept cent mille combattants français ou allemands sont morts sur ce champ de bataille. On en est revenu à la position du 20 février dernier. Le résultat militaire est nul.

Cam.

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Toutes ces chroniques ont été écrites par Cam (cleclercq@cybernet.be)
Dernière modification le 05/03/99, ©camilist 1998 --- une remarque ? jrmasson@nordnet.fr !