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Chroniques du 10 Mars.

Sommaire :

1857

La révolte des Cipayes, en Inde, ébranle la Pax Britannica.

Les cipayes, de l’anglais sepoy , venu du persan sipahi  (le français spahi  n’a pas d’autre origine), étaient les mercenaires autochtones de l’armée britannique de l’Inde au XIXe siècle.

Les expressions péjoratives de "révolte des cipayes" et de "mutinerie indienne", utilisées respectivement en français et en anglais, désignent un événement capital qui a marqué l’Inde au siècle dernier et que l’on nomme sur place la "grande rébellion", la "première révolution indienne" ou la "première guerre d’indépendance indienne".

Le point de départ en fut effectivement une mutinerie de soldats indiens de la garnison de Meeruth (10 mars 1857), que leurs officiers britanniques voulaient contraindre à déchirer de leurs dents de nouvelles cartouches enduites de graisse de bœuf (animal sacré des hindous) ou de porc (animal impur des musulmans comme des hindous). La révolte gagne rapidement les autres garnisons, dont celle de Delhi, et se transforme en un soulèvement général de toute la population de la plaine du Gange contre l’occupant étranger. Les Britanniques sont assiégés dans leurs quartiers.

Hindous et musulmans, citadins et paysans appauvris, artisans ruinés par l’industrie anglaise, fonctionnaires démis, princes dépossédés, tous ont des griefs qui les unissent contre la domination coloniale.

Plusieurs personnalités de premier plan se révèlent dans l’action dont la rani (reine) de Jhansi, qui meurt à la tête de ses troupes et est célébrée comme une Jeanne d’Arc de l’Inde moderne.

Mais le mouvement ne peut gagner tout le pays et reste limité à l’Inde du Nord et du Centre. La supériorité technique et logistique des Britanniques l’emporte, appuyée sur d’autres mercenaires : Gurkhas du Népal, Afghans et Sikhs du Punjab, par exemple. Mais l’armée britannique met plus d’un an à rétablir l’ordre colonial ; officiellement, cet ordre revient le 8 juillet 1858 ; en fait, le conflit persiste jusqu’en 1859, cela au prix d’atrocités nombreuses, les atrocités des Britanniques surpassant celles des révoltés, car elles sont commises systématiquement, en nombre, et à froid : sac de Delhi et massacre de centaines d’Indiens attachés à la bouche des canons.

Cette première révolution indienne oblige la puissance britannique à infléchir considérablement sa politique en Inde. Le gouvernement supprime la Compagnie des Indes, le pays est administré directement, et le souverain anglais ceint la couronne impériale de l’Inde. Sur place, au lieu de tendre à évincer les princes locaux, l’administration s’appuie sur eux et renforce leurs privilèges ; par crainte des anciens cadres administratifs musulmans de l’Empire moghol, les Britanniques favorisent pour un temps leur remplacement par des hindous.

Quant aux Indiens, ces événements leur auront donné confiance en eux-mêmes, en montrant à quel prix l’occupant pouvait être mis en difficulté. A condition d’unir la nation et de maîtriser le progrès technologique.

1888

Un match de boxe est organisé dans la riche propriété du baron de Rotschild, à Chantilly.

John Lawrence Sullivan , champion toute catégorie américain (et plus tard champion du monde) affronte l’anglais Charles Mitchell. C’est le premier combat public connu en France. Le match, à poings nus à cette époque, s’éternisera durant 39 reprises (rounds) de 3 minutes et finalement sera déclaré nul par les juges arbitres.

Les deux boxeurs exténués sont cependant arrêtés par les gendarmes à leur sortie de la propriété du baron. En effet la boxe était interdite en France à cette époque. Et si les policiers ne pouvaient pénétrer dans la propriété privée, ils pouvaient cependant arrêter à l’extérieur les deux auteurs de l’infraction.

Le baron de Rotschild, dont les sociétés contrôlaient certaines organisations de spectacle espérait ainsi libéraliser le " noble art " codifié par le marquis de Queensbury.

1920

Naissance à Ville d’Avray, d’un écrivain français non conformiste, inventeur du Verlan, Boris Vian.

Si l’on pouvait le rapprocher d’un grand homme de sciences et de lettres français, ce serait de ce philosophe du XVIIIe siècle, Diderot ; par sa soif de connaissances et leur étendue, par sa certitude qu’aujourd’hui, autant qu’hier et davantage, chacun peut et doit être un Pic de la Mirandole. Ingénieur de l’École centrale des arts et manufactures, féru de mathématiques à l’instar de son ami Raymond Queneau (et pareil à Diderot), ouvert aux recherches les plus audacieuses de la cybernétique, de l’électronique, de l’astrophysique, l’angoisse certes le saisit devant l’usage meurtrier de la science et il ne cesse de pousser des cris d’alarme contre sa monopolisation par les chefs d’État et les militaires ; il n’en reste pas moins convaincu qu’elle peut libérer l’homme de ses tâches serviles, réduire à presque rien la durée du travail, ouvrir l’ère du loisir, de l’activité créatrice non répétitive, en un mot du bonheur (car il ose ce mot).

S’il est vrai qu’il a été un pionnier de l’écologie, c’est qu’à ses yeux toute erreur, tout abus de la science peut être corrigé par la science, à la condition expresse que l’homme (et non les seuls " spécialistes ") en conserve la maîtrise et entende la faire servir à sa liberté et à son plaisir.

J’en ai parlé lors de l’anniversaire de sa mort, le 23 juin 1959. S’il vous intéresse, relisez cette Chronique.

1980

Après 10 ans d’étude et de travaux, l’île de Philae est réouverte au public.

Cette petite île de 460 mètres de longueur sur 150 mètres de largeur, est surnommée la perle de l’Égypte. C’est une des bosses de l’énorme barre de roches granitiques qui, sur plusieurs kilomètres, constitue la première cataracte du Nil, au sud immédiat d’Assouan.

En ce lieu consacré à la déesse Isis, Nectanébo Ier fit construire un élégant pavillon vers 370 (A.C.N.), à la pointe méridionale de l’île. Le monument principal est cependant le temple d’Isis qui en occupe la partie centrale ; il a été édifié par les souverains lagides sur un sanctuaire antérieur, qui serait l’œuvre d’Amasis, pharaon de la XXVIe dynastie dont le nom est attesté sur de nombreux blocs de remploi.

Limitée de part et d’autre par un portique à colonnes, une allée donnait accès au premier pylône du temple, haut de 18 mètres ; les reliefs de sa façade évoquent des exploits guerriers : en présence des divinités Isis, Horus d’Edfou et Hathor, le roi Ptolémée XII Néos Dionysos massacre les ennemis captifs, thème classique de l’iconographie pharaonique. En avant subsistent les restes endommagés de deux lions de granite, comme il y en a souvent devant les temples du Soudan et de Nubie ; ils étaient primitivement accompagnés de deux obélisques.

Sur le côté ouest de la grande cour se dresse le mammisi , décoré par Ptolémée VIII Évergète II et achevé sous le règne de Tibère. Ce petit bâtiment annexe, consacré à la déesse Isis et au dieu-enfant Horus-Harpocrate — auquel était identifié le roi —, servait de cadre à la célébration du mystère de la naissance divine.

Le temple d’Isis est entouré d’un portique ; au-dessus des murs d’entrecolonnement, les colonnes dressent leurs chapiteaux, aux thèmes floraux très variés, que surmontent les têtes hathoriques coiffées d’une sorte de naos : la protection de la déesse de l’amour convenait particulièrement à ce sanctuaire de la naissance ; en traversant une cour et deux salles, on parvenait au sanctuaire où sont figurés l’enfance d’Horus-Harpocrate ; d’autres représentations du mammisi illustrent la naissance d’Horus et des scènes de musique devant le nouveau-né.

Par un deuxième pylône, où l’on voit Ptolémée XII faisant des offrandes devant plusieurs divinités, on pénétrait dans une autre cour du temple d’Isis, suivie d’un vestibule à colonnes et d’antichambres. Dans le saint des saints subsiste le Naos, tabernacle en granite qui autrefois abritait la statue cultuelle d’Isis. Un escalier conduit à la chapelle d’Osiris, où des cérémonies étaient célébrées pour la mort du dieu. À l’ouest, une porte monumentale édifiée par l’empereur Hadrien est ornée de scènes osiriennes et d’une représentation célèbre des sources du Nil.

À l’est du temple d’Isis se trouvait le petit sanctuaire d’Hathor, déesse de l’Amour, commencé par les Ptolémées et continué par Auguste. Sur les colonnes, des animaux jouant d’instruments de musique semblent annoncer les reliefs grotesques de certains chapiteaux romans. Le dieu Bès, protecteur de l’amour et des accouchements, danse et joue du tambourin ou de la double flûte afin de chasser les démons malfaisants.

Plus au sud, le kiosque de Trajan dresse ses élégantes colonnes. Sur l’île s’élevaient encore bien d’autres monuments, comme le temple d’Harendotès, c’est-à-dire " Horus vengeur de son père ", ou celui d’Auguste ; un autre était consacré à Imhotep, l’architecte de Djéser, divinisé par la suite ; deux nilomètres permettaient de mesurer le niveau du fleuve. La renommée de Philae fut immense dans l’Antiquité. De très loin on venait en pèlerinage dans le temple d’Isis. Même pendant la période Chrétienne des premiers siècles.

Les chefs-d’œuvre d’architecture de Philae apparurent condamnés lorsqu’au début de ce siècle on érigea le barrage d’Assouan ; les ruines devaient être désormais immergées presque totalement durant la plus grande partie de l’année ; elles ne devenaient accessibles que pendant quelques semaines d’été, lorsqu’on ouvrait le barrage pour permettre aux eaux limoneuses et fertilisantes de s’écouler dans la vallée.

Paradoxalement, Philae a pu être sauvée grâce au haut barrage d’Assouan (le Sadd al‘Ali) construit à quelques kms en amont. Pour sauver les monuments de la Nubie, on avait pensé tout d’abord protéger l’île par une série de trois barrages annexes qui prendraient appui sur la rive du fleuve d’une part et sur la grande île de Biggeh d’autre part. Mais les difficultés techniques et surtout le coût de l’opération ont fait écarter ce projet.

La solution finalement adoptée fut celle du transfert des temples de Philae dans la petite île d’Agilkia, à 300 mètres plus au nord. Cette entreprise gigantesque a été menée grâce au concours de l’U.N.E.S.C.O. qui a lancé une campagne internationale en vue de réunir les fonds nécessaires. La première phase des travaux, commencés en 1972, a consisté à édifier des batardeaux préserver temporairement les monuments de Philae tout en aménageant l’îlot d’Agilkia en vue de sa nouvelle destination. L’opération de démontage a duré trois années pleines de mai 1974 à mai 1977, et deux ans furent ensuite nécessaires pour reconstituer minutieusement le puzzle sur Agilkia.

Depuis le 10 mars 1980, jour de l’inauguration du site, Philae est de nouveau accessible aux visiteurs.

Cam.

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Toutes ces chroniques ont été écrites par Cam (cleclercq@cybernet.be)
Dernière modification le 05/04/99, ©camilist 1998 --- une remarque ? jrmasson@nordnet.fr !