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Chroniques du 18 Juillet..
1566
Mort à Madrid (probablement le 18 juillet) de Bartolomé de Las Casas, le plus célèbre défenseur de ces Indiens en qui navaient vu ses contemporains que des " animaux supérieurs " lors de la conquête du Nouveau Monde par les Espagnols et les Portugais.
Les multiples activités de Bartolomé de Las Casas, labondance de ses écrits et, surtout, les controverses passionnées quil suscite depuis si longtemps font que son personnage est plus illustre que compris.
Il nest pas le pamphlétaire isolé quon a si souvent exalté ou dénigré : ses écrits et son action sont inséparables de la réflexion théologique de lordre dominicain tout entier et dune conscience précise des réalités politiques de son temps. Ce qui lui appartient en propre, cest une extraordinaire éloquence, au service dune passion sans défaillance pour la justice et la vérité.
Bartolomé de Las Casas est né à Séville, dune famille de marchands (peut-être des conversos , ou juifs convertis) en relation avec les Colomb.
Son père prit part au deuxième voyage du découvreur.
Bartolomé lui-même, qui avait reçu les ordres mineurs, partit chercher fortune à Hispaniola (Haïti) en 1502.
Il y reçut une encomienda ou repartimiento , cest-à-dire le droit dutiliser le travail dun groupe dIndiens pour exploiter des terres ou des mines.
Ordonné prêtre en 1512 son ordination fut la première célébrée au Nouveau Monde , il continua à Cuba ses activités dencomendero .
Il ne mit donc pas en doute pendant dix ans la légitimité du système de lencomienda sur lequel reposait léconomie des îles.
De son propre aveu, il resta insensible aux efforts des religieux dominicains, qui, depuis 1510, dénonçaient avec véhémence les excès des encomenderos (sermon de Fray Antonio de Montesinos, 1511) et avaient obtenu du roi, avec les lois de Burgos (1512), une première législation pour protéger les Indiens.
En même temps, des théologiens examinaient les titres de la Couronne à la possession des Indes et tentaient de codifier la doctrine de la " Juste guerre " (rédaction du Requerimiento , 1513).
Cest à cette époque que se produisit la " conversion " de Las Casas. Il a lui-même raconté comment il prit conscience, en préparant un sermon pour la Pentecôte de 1514, du fait que " tout ce qui se commettait aux Indes vis-à-vis des Indiens était injuste et tyrannique ".
Il renonça aussitôt à son repartimiento et commença à prêcher contre lencomienda, au grand scandale des colons.
En 1515, il sembarqua pour lEspagne où il voulait agir auprès du roi, avec lappui des dominicains dHispaniola.
Pour convaincre les puissants et surmonter lopposition des colons, Las Casas tenta de concilier ses projets de réforme en faveur des Indiens et les profits que les Espagnols attendaient de lexploitation des Indes.
Il présenta aux cardinaux Cisneros et Adrien dUtrecht, régents du royaume, des plans de mise en valeur des Antilles qui prévoyaient le remplacement de lencomienda par une association entre laboureurs castillans et Indiens.
Pour arrêter le dépeuplement dHispaniola les indigènes, un million peut-être en 1492, nétaient plus que quelques milliers en 1510 , il proposa de substituer aux travailleurs indiens des esclaves africains: mais il nest pas linitiateur de la traite négrière, pratique déjà ancienne acceptée par les chrétiens de lépoque.
Il ne comprit que plus tard liniquité de lesclavage des Noirs et saccusa hautement de son aveuglement passé.
De retour à Hispaniola avec le titre de procureur des Indiens, Las Casas ne put obtenir des religieux hiéronymites chargés denquêter sur place la condamnation formelle de lencomienda.
En 1517, en Espagne, il agit efficacement auprès de lentourage flamand du roi Charles (Quint) contre linfluence malfaisante de lévêque Fonseca dans les affaires des Indes.
À Barcelone, il soutient avec éclat, dans une controverse publique, la thèse de la liberté naturelle des Indiens.
Afin de démontrer par lexemple la possibilité dune évangélisation pacifique de lAmérique, il se fit confier, par contrat (capitulaciones ) avec la Couronne, la colonisation de la côte de Cumana (au nord du Venezuela), où il devait établir des laboureurs castillans (1520).
Lopposition des colons, lhostilité des Indiens Caribes et les propres erreurs de Las Casas sur le terrain firent que lentreprise sacheva en désastre.
Il vit dans son échec la condamnation divine des concessions quil avait faites jusqualors aux intérêts du siècle et, après une grave crise de conscience, il prit à Saint-Domingue lhabit dominicain.
Cette " seconde conversion " de Las Casas léloignait provisoirement du monde, mais non de sa mission, quil conçut de façon encore plus radicale.
Cette retraite de dix ans (1522-1531) lui permit dacquérir la formation théologique qui lui manquait et de se préparer aux grandes polémiques doctrinales. Il commença aussi à rédiger ses grands ouvrages: lHistoria de las Indias (pour laquelle il disposa des papiers de Colomb) ; lApologetica Historia , défense des civilisations indigènes et un " Traité théorique de lévangélisation pacifique ".
Cependant, la conquête des grands empires du Mexique et du Pérou (1519-1534) avait entraîné, avec de multiples violences, lextension de lencomienda à des peuples entiers.
Las Casas sortit de sa retraite pour participer au débat toujours renaissant sur lévangélisation et la politique de la Couronne envers les Indiens.
En 1539, il revint en Espagne. Son influence et celle de théologiens amis inspirèrent à Charles Quint les " Nouvelels Lois " de 1542 qui prévoyaient, avec linterdiction de lesclavage des Indiens, la suppression progressive des encomiendas.
Las Casas eût voulu davantage, mais la promulgation des Leyes nuevas souleva dans toute lAmérique la furieuse opposition des colons, qui alla au Pérou, jusquà la révolte armée contre le pouvoir royal.
Las Casas avait accepté lévêché du Chiapas, afin de soutenir lapostolat des dominicains dans le Tezulutlan voisin, devenu " Terre de la Vraie Paix " (Vera Paz).
Dès son arrivée aux Indes (espagnoles, c. à d. les Amériques), en 1545, il se heurta violemment aux autorités locales et à ses ouailles espagnoles, dont il exigeait lapplication rigoureuse des Leyes nuevas en leur refusant les sacrements.
Lhostilité unanime des colons et la révolte du Pérou amenèrent Charles Quint à renoncer à la suppression des encomiendas.
Après des incidents dramatiques, Las Casas avait quitté son diocèse, pour prendre part au concile provincial de Mexico, dont il inspira les résolutions les plus radicales pour la protection des Indiens.
Après son retour définitif en Espagne (1547), il se consacra à la rédaction de traités doctrinaux et à laction politique. Un grand débat sur le problème crucial de la légitimité des guerres de conquête lopposa au docteur Sepúlveda, qui soutenait que la barbarie des Indiens en faisait les " esclaves par nature " des nations civilisées : à cette théorie dorigine aristotélicienne, Las Casas répondit dans son Apologia , en affirmant sa thèse de la liberté naturelle de tous les hommes. La controverse naboutit à aucune décision officielle, mais les idées de Las Casas inspirèrent la législation postérieure, souvent mal appliquée, il est vrai .
En même temps, pour frapper lopinion, il fit imprimer à Séville, sans licence, une série de traités polémiques, dont la Brevisima Relación de la destruición de las Indias , promise à une immense diffusion en Europe, et il reprit la rédaction de lHistoria de las Indias .
Las Casas mourut à Madrid, le 18 juillet 1566.
" Le cierge en main et sur le point de quitter ce monde, il demandait encore à tous de continuer à défendre les Indiens et saccusait de ne point avoir assez fait pour eux. "
La destinée posthume de Las Casas nest pas moins agitée que sa vie. Les ennemis de lEspagne trouvèrent dans son uvre des armes contre la colonisation du Nouveau Monde par les Ibériques.
Lhistoriographie nationaliste espagnole a accusé Las Casas, dès le XVIe siècle, davoir calomnié sa patrie et voit en lui le créateur de la légende noire antihispanique. Pour certains, Las Casas nest quun paranoïaque dont le témoignage na aucune valeur !
Thèse partiale et mal fondée aisément réfutée.
La légende noire a bien dautres sources que luvre de Las Casas, et les excès que dénonce ce dernier ne correspondent que trop bien aux réalités souvent sinistres de la conquête du Nouveau Monde.
Cest lhonneur de lEspagne que lexigence de justice de Las Casas, qui heurtait tant dintérêts et de préjugés, ny soit jamais restée sans écho.
1582
Fondation à Rome dun ordre religieux Hospitalier, les Camilliens, fondé par Saint-Camille de Lellis.
Il sagissait de " clercs " (laïcs ayant fait des études religieuses) réguliers (obéissant à une " Règle ") ministres (officiant) des Infirmes et des Hôpitaux.
Les Croisades en Orient avaient donné naissance à plusieurs hôpitaux. Des moines y officiaient. Ils apprirent beaucoup de la médecine arabe.
Après les Croisades ils revinrent en Europe où létat général de la santé était très bas. Ils firent beaucoup démules, dont les Camilliens.
Cette date a été choisie pour commémorer sa mémoire. Le 18 Juillet lon fête Saint Camille.
Notez pour la petite histoire que Camille de Lellis, jeune noble français ayant vécu en Italie, fut un grand noceur (et un fameux pécheur devant lEternel !).
Ce nest que sur le tard quil revint à de meilleurs sentiments et fonda cet ordre, ce qui explique quil le voulut composé de laïcs.
1791
Suite à la Fusillade du Champ de mars où la Garde Nationale a tiré sur des patriotes (cfr Chroniques du 17 juillet), tous les députés - sauf 5 dont le fameux Robespierre -, se rassemblent dans un ancien couvent des Feuillants (une branche des Cisterciens) et créent le Club des Feuillants et une Société des Amis de la Constitution (la Nouvelle Constitution).
Cet événement attisera le dynamisme des Jacobins (plus à gauche) lequel engendrera bientôt la Terreur.
1870
Fin du premier Concile du Vatican, nommé Vatican I, convoqué par le Pape Pie IX.
(cfr Chroniques du Juillet).
1900
Naissance à Ivanovo en Russie, de lécrivain Français, la romancière Nathalie Tcherniak, mieux connue sous le nom de " Sarraute ".
Son père, docteur-ès-sciences y avait installé une usine de produits chimiques. Sa mère était écrivain. Lors de leur divorce, elle amènera sa fille Nathalie avec elle à Paris où elle recevra une éducation typiquement française.
Après de solides études secondaires et une double licence de droit et de droit, elle sinscrit au Barreau de Paris où elle plaide. Elle épouse lavocat Sarraute et portera son nom.
Elle se fera bientôt connaître par une série de textes, les " Tropismes ", parus entre 1932 et 1937, qui auront une influence déterminante sur le " Nouveau Roman " en France. Elle y décrit ces zones dombre, ces activités intérieurs, ces mouvements indéfinissables qui enracinent notre expérience et provoquent inconsciemment la plupart de nos actes.
Dans des uvres connues, " Planétarium ", " Martereau ", ou " Portrait dun inconnu ", elle campe des personnages stéréotypés dont les actes peu intéressants en eux-mêmes, sont prétextes à des analyses de ces Tropismes qui sont des mises à jour vertigineuses de leur moi profond, du flux et du reflux des courants contradictoires qui les habitent.
Citons encore " Le Silence ", " Le Mensonge ", mais aussi " lAstragale " qui donnera naissance à ce très beau film où Marlène Jobert a laissé éclater son jeune talent.
1936
18 Juillet. Lexpérience du " Frente Popular " en Espagne est brutalement interrompu par le coup détat militaire du général Franco. Au départ des Canaries et du Maroc où les officiers, de caste aristocratique se soulèvent à lappel de leur général encore peu connu, la sédition va gagner la péninsule et provoquer cette terrible guerre civile qui laissera au moins un mort dans chaque famille !
La gauche ne reviendra pas au pouvoir avant 50 ans. 50 ans de dictature fasciste.
Mais cette révolution sera à lorigine dune appellation bizarre et solidement ancrée dans la population continentale : " La Cinquième Colonne ".
Après le soulèvement du 18 juillet 1936 et leurs premiers succès contre les républicains, les troupes nationalistes des généraux Franco et Mola convergèrent vers Madrid.
Elles étaient réparties en quatre colonnes. Cherchant le moyen de démoraliser leur adversaire, les responsables de la propagande franquiste eurent lastuce, dans leurs émissions, de parler surtout de lintervention proche et décisive de la cinquième colonne nationaliste qui fourbissait ses armes dans la capitale même du gouvernement républicain.
Cette trouvaille, annonciatrice de la guerre psychologique, incita effectivement les républicains à renforcer leurs troupes affectées à la garde des points stratégiques de larrière, favorisant ainsi linstauration dun climat de suspicion propice aux épurations sanglantes et hâtives.
Quatre ans plus tard en mai-juin 1940, sur les routes de France, larmée, engluée dans lexode des civils, est en déroute. De bouche à oreille, une explication du désastre circule : "La cinquième colonne nous a vendus !".
Les Français, avides de se disculper de la défaite, seront tout prêts à croire, le cauchemar passé, au complot des pronazis et des profascistes de tous acabits.
1945
Les 17 et 18 Juillet 1945, laviation américaine lance contre le Japon six attaques aériennes de 1500 chacune. Plusieurs centaines de milliers de tonnes de bombes détruisent lensemble des arsenaux militaires japonais.
Mais la caste militaire ne veut pas perdre la face et refuse systématiquement les offres de cessez-le-feu. Les troupes nippones sont " conditionnées " à se battre jusquà la mort, conformément au code dhonneur des samouraïs. La pratique suicidaire des " Khamikaze " se généralise. Très sérieusement, lamiral japonais Onishi, linventeur de la formule, envisage la mort par ce procédé de 20 millions de japonais.
Il ne sagit pas de justifier lemploi de la Bombe Atomique, mais sans cette solution, la guerre aurait continué jusquà la mort du dernier des 20 millions de japonais mobilisables.
Cest ce qui décidera le président américain Harry Truman dutiliser la Bombe, expérimentée le 16 Juillet, pour enrayer lhémorragie mortelle.
1988
10 ans jour pour jour, Téhéran (sous la férule de lAyatolalh Khomeiny) accepte officiellement et sans condition la résolution de paix 598 de lO.N.U. exigeant un cessez-le-feu entre lIran et lIrak (que lIrak a déjà accepté depuis un an).
Une longue et meurtrière guerre de 8 années (depuis le 17 septembre 1980) se termine enfin ; ou plutôt se terminera, car larrêt des hostilités est prévu pour le mois suivant.
Mais pratiquement, il ny aura plus que des accrochages peu importants.
1991
Assassinat à Liège, dans un ensemble résidentiel du quartier de Cointe, du Ministre détat, le président du Parti socialiste wallon, André Cools.
Président sortant du parti Socialiste (wallon), cétait par son charisme et son influence sur les foules lHomme le plus puisant de Wallonie et un des plus puissants du pays.
Lenquête menée pour découvrir les assasins a connu des moments de forte dramatisation. Des hommes détat au plus haut niveau ont été soupçonnés. Rien na encore été prouvé, et si les " tueurs " ont été jugés, cest en Tunisie, où ils vivaient, ont été recrutés et arrêtés, il y a deux ans, sur base dinformations livrées par des suspects, toujours en prison.
Les contrats de renouvellement davions, lachat dhélicoptère, mais aussi les jeux des grandes multinationales qui veulent racheter les entreprises wallonnes (leau, les déchets, les communications, les transports, la sidérurgie) et menacent donc lautonomie de la région (ce quil a toujours refusé), sont au cur de laction et peuvent expliquer la mort du tribun populaire, sans pour autant citer les noms des commanditaires.
Cam.
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écrites par Cam (cleclercq@cybernet.be)
Dernière modification le 26/10/98, ©camilist 1998
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