Mois d'Août / sommaire des chroniques / sommaire de Camilist

Chroniques du 8 Août.

449

L’affaire du Brigandage d’Ephèse.

Le concile d’Éphèse (juin 431 cfr Chronique de ce jour) avait condamné et déposé Nestorius, évêque de Constantinople, pour ses erreurs sur la personne du Christ : la théologie de Cyrille d’Alexandrie l’emportait sur la théologie antiochienne. Mais la persistance des tendances antiochiennes inquiète certains partisans attardés de Cyrille.

Ainsi un moine de Constantinople, le pieux vieillard Eutychès, très influent à la cour de Théodose II, s’en tient avec intransigeance à la formule assez ambiguë de Cyrille, "une seule nature du Verbe incarné", et ne sait que répéter : "Après l’union, il n’y a plus qu’une seule nature." Dénoncé auprès du patriarche de Constantinople, Flavien, il est condamné par le "synode permanent" (22 novembre 448). Il en appelle au pape Léon, à Dioscore d’Alexandrie, à d’autres encore, et obtient de Théodose la convocation d’un concile qui devra le réhabiliter et condamner Flavien et les derniers partisans de Nestorius.

Le concile devait se réunir à Éphèse le 1er août suivant. Léon, invité lui aussi, adresse à Flavien une importante lettre dogmatique qui oppose la foi catholique à l’erreur d’Eutychès comme à celle de Nestorius. Dans sa pensée, elle devait dirimer le débat. Léon envoie aussi à Éphèse trois délégués qui le représenteront.

Le concile s’ouvre le 8 août 449. Théodose avait confié la présidence à l’évêque d’Alexandrie, Dioscore. Les quelque cent trente évêques présents sont en majorité des partisans de Dioscore et d’Eutychès ; les autres, Flavien de Constantinople, par exemple, sont réduits au silence. Les légats romains, qui ignorent le grec, ne peuvent se faire entendre, ni obtenir qu’on donne lecture de la lettre de Léon.

Dans une atmosphère de violence extrême, Dioscore fait condamner les "deux natures" et déposer Flavien et Eusèbe de Dorylée, qui avait dénoncé Eutychès. L’intervention de la police impériale ajoute encore au trouble ; Flavien est brutalisé ; envoyé en exil, il mourra en cours de route. Sous la menace, les évêques présents souscrivent à la déposition de Flavien et d’Eusèbe.

Le 22 août, une seconde séance dépose encore Théodoret de Cyr, Ibas d’Édesse et d’autres, qui sont suspects de nestorianisme. C’est Léon lui-même (Ep . XCV) qui qualifiera de "brigandage" (latrocinium ) cette scandaleuse affaire, où passions et rancunes personnelles, rivalités politiques, influences de cour l’emportèrent sur les préoccupations théologiques. Il faudra la mort de Théodose, l’avènement de Marcien et le concile de Chalcédoine (451) pour rétablir la situation et définir enfin la foi de l’Église.

1804

Démission du ministre d’Etat Français, Jean-Antoine Chaptal. On aurait oublié l’homme peut-être s’il n’avait laissé son nom à une pratique douteuse en Œnologie (pratique qu’il condamna !) : la Chaptalisation consiste à ajouter du sucre (ou de la mélasse) au vin pour augmenter le degré d’alcool.

"La Révolution qui s’effectue est une belle chose ; mais je voudrais qu’elle fût arrivée il y a vingt ans. Il est fâcheux de se trouver dessous, quand on démolit une maison, et voilà notre position", écrivait Chaptal en octobre 1789.

De la maison démolie, il saura pourtant tirer les matériaux d’un bel édifice personnel : exemple typique de ces bourgeois, plus nombreux qu’on ne le croit, qui ne seront jamais révolutionnaires et qui sauront utiliser la Révolution pour une fructueuse carrière.

Né dans le Gévaudan, en 1756, fils d’un grand propriétaire terrien, Chaptal fait ses études de médecine à Montpellier avant de monter à Paris pour étudier la chimie, puis de revenir en 1780 à Montpellier occuper la chaire de chimie nouvellement créée.

Ce sont les applications industrielles de la science qui l’intéressent ; un riche mariage et un gros héritage l’ayant mis en possession d’une fort jolie fortune, il achète des terrains, établit des ateliers, expérimente ses découvertes : amélioration de la production de l’acide chlorhydrique ; "chaptalisation" des vins ; exploitation de l’alun et des pouzzolanes. "Je crois être le premier, dit-il, qui ait appliqué en France les connaissances chimiques aux arts.

Jamais la science n’a rendu de plus grands services au commerce et à l’industrie que la chimie de ces derniers temps." En 1793, gros capitaliste et savant renommé, Chaptal se place parmi les réactionnaires ; il préside à Montpellier le Comité central de la rébellion fédéraliste. Emprisonné à la suite de l’échec du mouvement, il est libéré sur l’intervention de chimistes plus révolutionnaires comme Fourcroy et Berthollet ; pour se dédouaner, il accepte de diriger la production des poudres et salpêtres.

Deux ans plus tard, en 1795, il reprend sa liberté et retrouve ses affaires en piteux état à Montpellier ; il les rétablit vite et même les développe encore ; il achète un vaste terrain à Paris, y fonde une grande fabrique, y gagne beaucoup plus encore qu’à Montpellier ; le coup d’État du 18-Brumaire le trouvera, bien sûr, parmi les bons qui se rassurent plutôt que parmi les méchants qui tremblent.

Bonaparte reconnaît vite en lui un des hommes qui peuvent servir le mieux ses objectifs ; en novembre 1800, Chaptal, déjà au Conseil d’État depuis 1799, remplace Lucien Bonaparte au ministère de l’Intérieur, dont les compétences sont sensiblement plus étendues qu’aujourd’hui. Chaptal a peu à intervenir car le Premier consul contrôle directement l’activité des subordonnés nominaux du ministère. Reste surtout à Chaptal le domaine qu’il connaît le mieux et pour lequel il a le plus de goût et d’idées : l’agriculture, le commerce et l’industrie.

Sans système d’ensemble, sans même trop rechercher de cohérence à long terme, Chaptal agit par une série d’initiatives pragmatiques, le plus souvent heureuses ; il est sans conteste l’un des tout premiers artisans de la reprise économique en France sous le Consulat.

Et l’on doit aussi mettre à son actif une série de mesures pour la santé publique : réorganisation et modernisation des hôpitaux et hospices, de l’École de pharmacie, création de l’École des sages-femmes. Il s’occupe beaucoup des prisons... avec le même soin que des hôpitaux.

Le 8 août 1804, Chaptal démissionne, Napoléon lui a pris sa maîtresse. Mais sa démission n’entraîne pas sa disgrâce ; il est trésorier du Sénat, il sera même ministre d’État aux Cent-Jours ; il continue à faire des affaires, cultive la betterave, publie " L’Art de la teinture du coton en rouge d’Andrinople " , " La Chimie appliquée aux arts " .

En 1818, il se retrouvera pair de Louis XVIII, sans activité politique bien marquée. Une belle vie, en somme. Pourtant Chaptal mourra pauvre, ou presque, ayant laissé son fils dilapider sa fortune. C’est presque déjà l’heure où Balzac fera mourir sur la paille un père trop aimant à qui la Révolution avait permis d’amasser un bien considérable, le père Goriot. Le roman est bien le miroir de la réalité !

1945

Le tribunal militaire international de Nuremberg définit enfin la notion de " Crime contre l’Humanité ".

" Atrocités et délits y compris mais sans être limités à l’assassinat, à l’extermination, la mise en esclavage, la déportation, et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux lorsque ces actes ou persécutions, qu’ils aient constitué ou non une violation du droit interne des pays où ils ont été perpétrés, ont été commis à la suite de tout crime rentrant dans la compétence du Tribunal. "

Cette définition du crime contre l’humanité, notion créée pour la circonstance, a été donnée par l’article 6(c) du statut du tribunal militaire international de Nuremberg (8 août 1945) chargé de juger et de punir les grands criminels de guerre des pays européens de l’Axe.

L’expression, quant à elle, est plus ancienne : on la trouve en 1915 dans une déclaration de la France, de la Grande-Bretagne et de la Russie évoquant le massacre des Arméniens par les Turcs.

La Convention des Nations unies de 1968 sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ajoute à cette liste : " L’éviction par une attaque armée ou l’occupation et les actes inhumains découlant de la politique d’apartheid, ainsi que le crime de génocide, tel qu’il est défini dans la Convention de 1948. "

Le génocide est défini par la Convention du 9 décembre 1948 comme le recours à des crimes de droit commun (meurtres de membres du groupe, atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe, soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle, mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe, transfert forcé d’enfants d’un groupe à un autre groupe) " dans l’intention de détruire en tout ou en partie un groupe national, ethnique ou religieux comme tel ".

Cette rédaction indique bien que la spécificité du crime ne tient ni à la matérialité des actes (qui relèvent tous du droit commun universel) ni aux circonstances (l’état de guerre ne constitue pas un préalable nécessaire), mais bien à l’intention  clairement établie de détruire un groupe humain pour des motifs raciaux, politiques ou religieux.

Le même tribunal définit également la notion de " Crime de Guerre ".

" Atrocités ou délits commis sur des personnes et des biens en violation des lois et usages de la guerre, y compris l’assassinat, les mauvais traitements ou la déportation, pour des travaux forcés ou pour tout autre but, des populations civiles dans les territoires occupés, l’assassinat ou les mauvais traitements des prisonniers de guerre ou des personnes en mer, l’exécution des otages, le pillage des biens publics ou privés, la destruction sans motif des villes et des villages ou la dévastation que ne justifie pas la nécessité militaire. "

Telle est la définition donnée par le statut du tribunal militaire international de Nuremberg annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945 ; cette définition fut appliquée aux procès de Nuremberg et de Tokyo dès la capitulation des pays de l’Axe.

Par extension, on a parfois appliqué le terme à des actes commis en temps de guerre et qu’un des belligérants considère comme criminels : trahison, espionnage.

Ainsi, dans le mémorandum du 27 mai 1949 rédigé à l’intention de la Commission du droit international, le secrétaire général des Nations unies rappelle que, parmi les crimes dits crimes de guerre, " la trahison, notamment celle que l’on qualifie d’espionnage, constitue l’exemple le plus ancien des crimes de guerre " ; soulignant l’évolution des conceptions depuis la doctrine qui prévalait au XVIIIe siècle en la matière, il précise : " Aujourd’hui, on entend surtout par crimes de guerre les infractions aux dispositions [...] des conventions de La Haye (1899 et 1907) et de Genève (1949) et d’autres traités généraux. ".

Cam.

Mois d'Août / sommaire des chroniques / sommaire de Camilist


Toutes ces chroniques ont été écrites par Cam (cleclercq@cybernet.be)
Dernière modification le 01/10/98, ©camilist 1998 --- une remarque ?
jrmasson@nordnet.fr !