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Chroniques du 15 Août.

778.

15 Août  778, défaite de Roland, comte de Charlemagne à Roncevaux.

Appelé en Espagne par certains chefs arabes révoltés contre l’émir de Cordoue, cédant à l’illusion de pouvoir arracher à l’Islam une partie au moins de la péninsule, Charlemagne franchit les Pyrénées et s’avança jusque devant Saragosse dont il ne put s’emparer ; il revint en France par le col de Roncevaux où son arrière-garde commandée par le comte de la marche de Bretagne Roland fut détruite par les montagnards basques (15 août 778).

Le souvenir de cette défaite se trouve à l’origine de la chanson de geste la plus célèbre " La Chanson de Roland " .

Réalité ou légende ? Même la date peut être contestée !

Mais on ne remet pas en question un mythe national, Roland, comme Jeanne d’Arc ou Bertrand du Guesclin, Surcouf et bien d’autres fait partie de l’ " Imaginaire " de plus de 50 millions de Français.

Impossible à " corriger " !

1464.

Mort d’un Pape, auteur de récits érotiques et de roman d’amour assez libertin. Le pape Pie II.

Né en 1405, à Corsignano près de Sienne, Aeneas Sylvius Piccolomini fait des études de droit pour obéir à son père, mais se passionne pour les arts et la littérature antiques, au point de devenir l’un des meilleurs latinistes de son époque.

En 1432, il accompagne l’évêque de Fermo au concile de Bâle, où il est secrétaire de divers prélats.

Chargé de nombreuses missions, entre autres auprès de l’empereur Frédéric III, il voyage à travers l’Europe et joue un rôle en vue dans l’assemblée des évêques, où il agit pour la limitation des pouvoirs du pape.

Cette première partie de sa vie le montre sous les traits d’un mondain épicurien, auteur de poésies érotiques, de comédies très libres et d’un roman d’amour profane, L’Histoire de deux amants  (1444).

L’échec du concile de Bâle, la crise de l’Église déterminent en lui un changement profond et le désir de se consacrer au service de Dieu.

Il confesse ses erreurs et va, désormais, œuvrer au renforcement de l’autorité du Saint-Siège.

Prêtre en 1446, Cardinal en 1456, conseiller de Calixte III, il est élu pape, le 19 août 1458, par la majorité italienne du conclave, contre le Français Robert d’Estouteville, et prend le nom de Pie II.

Son avènement soulève l’enthousiasme des Italiens et des humanistes, mais son règne de six années sera, en fait, décevant.

Mêlant l’ardeur religieuse et le désir de gloire à une certaine ingénuité et à un manque de réalisme, il va se montrer davantage un homme du Moyen Âge qu’un novateur.

Dans le gouvernement de l’Église, mécène fastueux, non exempt de népotisme, il tente de restaurer la suprématie du Saint-Siège et condamne inlassablement les appels aux conciles.

Tout en luttant contre l’indépendance de l’Eglise de France, la grande idée de son règne sera la croisade. En 1453 déjà, il avait exhorté le pape et les rois à défendre Constantinople contre les Turcs.

Mais sa vision politique est peu claire et les rivalités entre les États font échouer le projet.

Pie II décide alors d’agir pour son propre compte.

En 1463, il proclame la guerre sainte par une bulle et se rend à Ancône pour s’embarquer à la tête d’une flotte équipée aux frais du Saint-Siège.

Mais il tombe malade d’épuisement et meurt, le 15 août 1464. I

On a pu dire de lui, à juste titre, qu’il n’avait pas adapté le pontificat aux exigences de la conscience et de la culture dont il était l’un des plus éminents représentants, mais qu’il s’était servi de l’humanisme pour donner un éclat et une justification à une politique personnelle, d’inspiration conservatrice.

La Réforme, un peu plus tard, allait sanctionner cette occasion manquée d’une rénovation de l’Église.

1769.

Naissance à Ajaccio de " l’Ogre Corse ", Napoléon Bonaparte.

Comme j’en ai déjà parlé à de nombreuses reprises, je laisse la place à d’autres événements moins connus.

Sauf peut-être le fait que sa date de naissance a été contestée par quelques historiens au siècle passé.

François-René de Chateaubriand, par haine de l’Ogre Corse, avait situé sa naissance le 15 Août 1768 ; tout simplement, sans preuve, pour pouvoir dire qu’il était étranger. En effet la Corse ne devient Française que fin 1768.

1843.

Inauguration à Copenhague, du Tivoli, le plus ancien parc d’attractions de l’Europe.

La libération progressive de l’homme à l’égard des contraintes de travail a induit des équipements de loisirs en nombre croissant.

Dans les pays anglo-saxons, scandinaves, voire germanophones, les loisirs de fin de semaine ou de fin de journée ont atténué très tôt la rupture plus prononcée ailleurs entre le temps de vacances et le temps de travail.

À ce titre, ces pays connaissent depuis assez longtemps les parcs de loisirs. En Europe, le plus ancien parc d’attractions est le Tivoli de Copenhague, inauguré le 15 août 1843.

Cette réalisation est devenue le symbole mondial des parcs périurbains, d’autant plus que le succès persiste.

Elle comporte une grande variété d’attractions qui, quoique parfois démodées, conservent leur charme ; à celles-ci se joignent de nombreux restaurants et brasseries, des théâtres, des kiosques et des maisonnettes de pantomime.

C’est toutefois en Amérique du Nord que se sont surtout développés les amusement parks  : dès 1887 fut ouvert le Coney Island. La génération actuelle des parcs récréatifs a cependant été suscitée vers les années 1960 par la création de Disneyland (1955) à Anaheim, près de Los Angeles. Au fil des années, la réalisation mère s’est entourée d’un sea world , des parcs de Magic Mountains et Knotts Berry Farm, de plusieurs grands musées de cire, de l’Universal Studio, de l’ancien paquebot transatlantique Queen Elizabeth , etc.

Le second ensemble américain est localisé en Floride, dans la région d’Orlando.

Ouvert en 1971, il a connu un processus de développement analogue à celui d’Anaheim : autour de Disneyworld, puis d’Epcot, se sont façonnés les parcs de Cypres Garden, Bush Garden, Dark Continent ; un sea world  complète la gamme des attractions qui accueillent quelque 28 millions de visiteurs par an.

Tokyo Disneyland (1983) draine plus de 16 millions de visiteurs, et l’industrie des parcs de loisirs-parc à thèmes a pris au Japon une ampleur considérable.

En Europe, les fréquentations sont plus modestes : 2 millions pour Alton Tower (Royaume-Uni), 1,3 million pour Gardaland (Italie), un peu moins pour Astérix (France), près d’1,2 million pour " Waliby " en Belgique (à Wavre).

La proximité urbaine et un accès routier aisé constituent des atouts certains.

Des régions telles que la Californie ou la Floride drainent en plus une vaste clientèle touristique vers ces équipements récréatifs.

L’attractivité doit être impérativement soutenue par la création et le renouvellement constants de loisirs inédits.

L’importance de l’offre est telle qu’il n’est pas possible de profiter de la totalité des activités en une seule journée. Les animateurs de parcs insistent sur la participation des hôtes et déconseillent la simple promenade dans un décor original.

La superficie joue également un rôle déterminant dans l’originalité des parcs de loisirs.

Disneyworld-Epcot occupe 10 960 hectares ; son terrain a été acheté 5 millions de dollars en 1965 ; il a exigé jusqu’en 1982 un investissement total de 1,5 milliard de dollars, dont 800 millions pour Epcot et 700 millions pour Disneyworld.

Avec un chiffre d’affaires de 700 millions de dollars environ par an, l’institution a induit 130.000 emplois directs ou indirects dans les dix ans qui ont suivi son ouverture, suscitant la création de 40.000 appartements ou maisons d’habitation, ainsi qu’une augmentation de la population locale de l’ordre de 130 000 personnes.

Le parc de loisirs participe donc intégralement au déploiement économique.

Il facilite la création d’activités à technologie élaborée, voire de parcs technologiques et culturels étroitement articulés avec l’ensemble du complexe.

Par là même, il vise à se situer à proximité de grands carrefours de communication pour faciliter à la fois l’arrivée des cadres à haute compétence et des visiteurs ou des hommes d’affaires qui savent associer occupations professionnelles et loisirs de relaxation.

En France, l’effort de rattrapage a été considérable au cours des années 1980, mais ne s’est pas toujours exercé avec une suffisante rationalité économique (fréquentation surévaluée, équipements rudimentaires, etc.) et a par ailleurs, comme généralement en Europe, durement souffert de la récession au début des années 1990 : Mirapolis (Cergy-Pontoise), Le Nouveau Monde des Schtroumpfs (près de Metz), Zygofolies (Nice) ou la Toison d’or (Dijon) en ont été les victimes, contraintes au changement de main ou à la fermeture pure et simple.

Quant au géant Euro Disneyland, rebaptisé Disneyland Paris (Marne-la-Vallée), dont la réalisation aura constitué, avec la partie nationale de l’ouvrage du tunnel sous la Manche, un des plus gros chantiers entrepris sur le sol français, c’est peu dire que les premiers exercices qui ont suivi son ouverture, en avril 1992, n’ont pas répondu aux attentes : seulement 17 millions de visiteurs en deux années d’exploitation et, surtout, un taux d’occupation du complexe hôtelier très insuffisant ; or c’est lui, précisément, qui rentabilise ce type de parcs, comme on le voit aux États-Unis.

Mais les deux dernières années ont vu la réalisation de bénéfices suite à une politique moins agressivement américaine et plus centrée sur les habitudes des Français et des habitants des pays proches, fort différentes de celles des Américains.

1869.

Jonction du Canal entre les deux mers dans le percement du Canal de Suez. Ferdinand de Lesseps (pour la Cie International du canal maritime de Suez) et l’Impératrice Eugénie, représentant la France, un des principaux bailleurs de fond, se congratulent sous l’œil amusé des Anglais.

1914.

Le 15 Août est une date symbolique, c’est bien pour cela qu’elle est choisie pour l’inauguration du Canal de Panama. Ouvrage aussi important, voire plus dans la conjoncture moderne que le Canal de Suez.

1945.

Capitulation officielle du Japon, après l’Armistice sans condition accepté la veille.

Suite à la Capitulation du Japon, la Corée est libérée de l’occupation coloniale des Japonais, au terme de 35 années de privation, de viol, de spoliations, de souffrances. Malheureusement, le fol espoir engendré par la capitulation des Japonais tourne vite à la confusion, les " Grands " ont décidé à " Yalta " que le Nord du 38° parallèle serait " délivré " par les armées soviétiques tandis que le Sud le serait par les E.U.

D’où l’Histoire " déchirée " des 53 dernières années.

1947.

Indépendance de l’Inde et parallèlement, du Pakistan. Nous avons beaucoup parlé de l’Inde dans ces Chroniques, mais très peu du Pakistan. Voici l’occasion de rééquilibrer le statut en évoquant le fondateur du Pakistan.

Homme politique et fondateur de l’État pakistanais, Jinnah était aussi connu sous le nom de ??’id-i-A‘?am (le Grand Guide).

Né en 1876, son éducation traditionnelle et imprégnée de la foi musulmane (dans le cadre de la secte des kh?ja , d’obédience shiite) est complétée par un passage dans une école anglaise de Karachi.

En 1896, en Angleterre, il obtient ses diplômes de droit. Il est alors admirateur du Premier ministre anglais W. E. Gladstone, membre du Parti libéral. Inscrit au barreau de Bombay l’année suivante (1897), il passe quelques années difficiles pendant lesquelles il mûrit sa passion pour la politique, tout en envisageant avec inquiétude l’avenir de la communauté musulmane vivant en Inde.

Admirateur de D. Nayrojî, le premier Indien élu à la Chambre des communes, il en devient le secrétaire particulier et, en tant que tel, assiste ce dernier, devenu en 1906 président du Congrès.

Ce premier contact avec la politique le pousse à une participation plus active : il est élu représentant des musulmans de Bombay au premier Conseil législatif impérial.

Il participe aussi à l’élaboration d’un acte législatif pour régler la question des wakfs  musulmans (fondation pieuse et biens de main-morte) en Inde. Il rencontre alors le nationaliste Gopal Krishna Gokhale et subit son influence.

Afin d’obtenir des garanties concrètes et constitutionnelles, pour les droits de la minorité musulmane, il adhère à la Ligue musulmane et, en 1916, prend une part importante à la rédaction du "pacte de Lucknow" qui, signé par la Ligue et le Congrès, établit un plan de réformes favorables aux musulmans.

Jinnah respecte toujours la légalité et les principes constitutionnels. Par un concours de circonstances et de démissions, il quitte en 1920 le devant de la scène politique, tout en poursuivant son action en faveur de ses coreligionnaires ; il part en 1930 vivre à Londres.

Après la proclamation de l’India Act et la promulgation de nouvelles clauses constitutionnelles, il retourne en Inde en 1935. Il se jette à nouveau dans la bataille et se sert de la Ligue musulmane pour répandre les idées du nationalisme musulman.

Craignant que le Congrès ne prenne seul le relais de l’autorité britannique, Jinnah, président de la Ligue, conteste la prééminence et l’omnipotence du Congrès : la "nation" musulmane représentée par la Ligue doit pouvoir intervenir lors de tout changement constitutionnel, et une société à majorité hindoue ne peut appliquer de véritable justice à l’égard d’une minorité musulmane.

L’ampleur de cette communauté, plusieurs dizaines de millions d’individus, autorise Jinnah à s’installer sur des positions rigides qui deviendront intransigeantes pendant la Seconde Guerre mondiale.

Jinnah fait valoir qu’il est possible et indispensable de créer un État autonome pour les musulmans de l’Inde ; ce programme politique est adopté par la Ligue en mars 1940 à Lahore ; il avait déjà été esquissé dix ans plus tôt par le père spirituel du futur Pakistan, créateur du nom de l’État lui-même, Mu?ammad Ikbâl.

Aux élections de 1946, la Ligue musulmane remporte la plupart des sièges dans les provinces qui formeront le Pakistan (Pendjab, Sind, Bengale, etc.). Les pourparlers engagés en vue de la création d’un État autonome aboutissent en juin 1947, et le Pakistan naît dans la nuit du 14 au 15 août 1947.

Jinnah est président de l’Assemblée constituante et gouverneur général ; il doit faire face à une flambée de violences et de tueries : les passions et les haines sont déchaînées. C’est dans ce climat qu’il établit l’appareil gouvernemental. Mais la mort, un an plus tard, l’empêche de parachever son œuvre.

Sa référence à l’islam fut constante, mais jamais dans un sens théocratique (les références au Coran et au Prophète étaient rares). Jinnah manifestait en outre un souci constant de préserver son héritage culturel.

1947.

Naissance du Pakistan, voulue essentiellement par les fidèles, une aberration !

Mais la manifestation géographique la plus évidente de l’influence religieuse en Inde a été la " partition " du sous-continent indien le 15 août 1947.

Partage absurde puisque le Pakistan était divisé en deux parties séparées par 1 700 km de territoire indien, puisque deux des régions historico-linguistiques les plus originales, le Punjab et le Bengale, étaient partagées entre les deux États ; puisque le plus grand réseau d’irrigation du monde, au Pakistan, se trouve privé des têtes des rivières qui l’alimentent.

Partage qui laissait en suspens maint problème, notamment les problèmes linguistiques : la République indienne a organisé des États qui correspondent chacun à une langue dominante, mais l’hindi n’est pas admis comme langue nationale, notamment par les Dravi diens.

Les Bengalis, surtout, refusant la primauté de l’urdu et des Pakistanais " occidentaux ", ont fait éclater le Pakistan (1971) et créé le Bangladesh.

Il reste que 50 millions de musulmans ont obtenu le partage du monde indien parce que, fidèles de la plus transcendante et la plus extrémiste des religions, ils ne pouvaient admettre d’être soumis aux hindous.

1947.

L’indépendance du Pakistan m’amène à un autre article.

L’écrivain musulman, Salman Rusdie, avait déclaré dans … que tous les enfants nés le jour de l’Indépendance seraient " magiques ". Ce type de parodie caractérise l’œuvre de Salman Rushdie (né en 1947), romancier le plus doué de sa génération.

Rushdie tente de corriger une vision de l’Inde et du Pakistan trop souvent perçue en Occident à travers les lunettes déformantes de l’impérialisme à la Kipling. Il rejette également une image fournie par certains intellectuels des années trente, pour qui le continent demeure " insondable ". Rushdie dénonce la sanctification d’un pays faussement considéré comme le paradis des non-violents. Il s’insurge aussi contre la vision christique à travers laquelle l’Occident perçoit Gandhi.

Synthèse de l’Orient et de l’Occident, inspiré par un certain réalisme magique, Rushdie est surtout un conteur incomparable dont l’art consommé apparaît dans Les Enfants de minuit  (1981). Parodiant les slogans politiques promettant que les enfants de l’indépendance seront une génération magique, Rushdie prend la formule au pied de la lettre et dote tous les bébés nés le 15 août 1947 à minuit de pouvoirs fabuleux. Mais le conte de fées tourne vite à la tragédie à mesure que s’accélèrent les luttes partisanes. À travers le fantastique, l’auteur offre une illustration comique mais percutante de la corruption des idéaux par la petitesse humaine.

À la différence de Kushwant Singh, dont le Train to Pakistan  (1956) décrit les massacres qui ont suivi la partition de l’Inde, Rushdie aborde l’histoire de manière humoristique.

Cela n’enlève rien à l’horreur des événements évoqués, comme lorsqu’il retrace le massacre d’Amritsar au cours duquel le général Dyer fit tirer sur une foule de manifestants pacifiques en 1919.

L’art du conteur, comparé à celui du cuisinier, consiste à " changer la saveur en degré et non en nature " et, avant tout, à apporter du sens.

Exigence de liberté qui a paru insupportable à certains. La fatwa lancée après la publication des Versets sataniques  (1988) par l’imam Khomeyni contre Rushdie, merveilleux conteur d’histoires et écrivain engagé dans la défense de la dignité humaine et de la liberté des peuples (Le Sourire du jaguar : un voyage au Nicaragua , 1987), symbolise peut-être le paradoxe de cette fin de siècle où cohabitent de formidables espoirs de progrès et une redoutable peur du changement conduisant à un repli sur l’obscurantisme aveugle.

1960.

Indépendance du Congo (Brazzaville).

Cam.

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Toutes ces chroniques ont été écrites par Cam (cleclercq@cybernet.be)
Dernière modification le 04/10/98, ©camilist 1998 --- une remarque ?
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