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Chroniques du 9 Octobre.

Sommaire :

1835

Camille Saint-Saëns, compositeur, organiste, pianiste virtuose, naquit à Paris le 9 octobre 1835 et mourut à Alger le 16 décembre 1921. Il peut être aisément considéré comme le musicien le plus " intelligent " de la France dans la seconde moitié du XIXe siècle. Certes, on a dit que son œuvre est assez rarement passionnée, qu’elle est brillante mais froide ! Ce n’est pas, en bien des cas, tout à fait exact, car il suffit de se pencher attentivement sur des pages comme " la 3ème Symphonie "  ou " Samson et Dalila " , pour ressentir une véritable sensibilité, tout comme dans "  Introduction ", " Rondo Capriccioso " et " le Troisième Concerto pour violon ".

Si la musique de Saint-Saëns peut déconcerter c’est parce qu’elle est, précisément, merveilleusement écrite en même temps tellement aisée (on l’a comparée à la prose de Voltaire) qu’on la croit l’ouvrage d’un parfait technicien, alors qu’elle est d’une sensibilité étonnante. Le "Carnaval des Animaux", ou la "Danse Macabre" le prouvent à souhait.

Né à Paris, il fut très jeune un pianiste virtuose et eut pour professeurs Charles Gounod et Jacques Halévy. Il mena parallèlement une carrière d'organiste, de compositeur et de chef d'orchestre. Organiste à Saint-Merri dès 1853 puis à la Madeleine en 1857, il enseigna 10 ans à la célèbre école de Niedermeyer, à Gabriel Fauré et à Messager.

En 1871, il fonda avec le Liégeois César Franck, Lalo, Massenet, Bizet et Fauré la Société nationale de musique, dont le but était de promouvoir la musique française en réaction contre l'engouement à l'égard de la musique étrangère, en particulier l'œuvre de Wagner.

Sa musique, écrite dans la tradition classique française, est élégante et précise dans le détail et la forme ; elle associe le style lyrique de la musique française du XIXe siècle et une qualité plus formelle. Son œuvre comprend douze opéras, dont le plus connu reste celui de " Samson et Dalila " (1877), des œuvres religieuses, dont une Messe solennelle et un " Requiem ", de nombreux oratorios, des poèmes symphoniques (" le Rouet d'Omphale ", 1871 ; " Phaéton ", 1873!; " la Danse macabre ", 1875) et des compositions chorales.

Enfin, Saint-Saëns a composé cinq symphonies dont la dernière, dite n° 3, avec orgue (1886), cinq concertos pour piano, trois pour violon et deux pour violoncelle, de la musique de chambre, des pièces pittoresques (le Carnaval des animaux, 1886), des pages pour piano et des mélodies. Sa musique aux sonorités chaudes et riches annonce les œuvres de Claude Debussy et de Maurice Ravel.

1890

Clément Ader, sur l’ " Avis ", réussit un vol de 50 mètres, à une quinzaine de centimètres du sol, uniquement sous l’impulsion de sa force motrice. Cela se passe dans son château d’Armainvilliers. Le nom de son avion, l’Avis, (avis = oiseau en latin) fournira le nom que l’Histoire adoptera pour ce genre d’appareil. L’aviation est née.

1908

Naissance de Jacques Tati, de son vrai nom, Jacques Tatischeff, cinéaste de renom.

Tati, Jacques (1908-1982), acteur et réalisateur français est sans doute le plus grand acteur comique français depuis Max Linder. Né au Pecq, Jacques Tatischeff est issu d'une famille aristocratique russe. Véritable athlète, il excella dans la pratique des sports, notamment du rugby et de la boxe. Après diverses expériences au music-hall et au cabaret où il se spécialisa dans les numéros comiques, Tati se tourna vers le cinéma à partir de 1932.

Scénariste et acteur de nombreux courts-métrages, il fut choisi en 1946 par Claude Autant-Lara pour le premier rôle de Sylvie et le fantôme. Un an plus tard, il remplaça René Clément sur le tournage de " l'École des facteurs " (1947), réalisation qui préfigure son célèbre " Jour de fête " (1949) et témoigne déjà de son sens du burlesque, de la poésie et de l'observation. Dans ses films suivants, " les Vacances de M. Hulot " (1953) et " Mon oncle " (1958), son héros, M. Hulot, n'est jamais responsable de la conséquence de ses actes : brave homme, il résiste aux tentatives de dépersonnalisation de la vie moderne avec une obstination désarmante.

Tati était un perfectionniste rigoureux et mettait plusieurs années à réaliser chaque film. Après Mon oncle, il n'en réalisa que trois, qui ne rencontrèrent pas toujours le succès populaire escompté : " Playtime " en 1968, " Trafic " en 1971 et " Parade " en 1974. Il recevra même le Grand Prix du cinéma français. La finesse de ses gags (qui, extrêmement élaborés, pouvaient être simultanés dans une seule séquence), son écriture très particulière et son utilisation très novatrice de la bande-son en font l'un des réalisateurs les plus originaux du cinéma comique.

1934

Le 9 octobre, l’assassinat, à Marseille, du roi de Yougoslavie, (ainsi que du Ministre français des affaires étrangères, Barthou, prouve au monde occidental que la montée du fascisme n’est pas limitée à l’Italie et à l’Allemagne.

Du serbo-croate ustasa  (révolutionnaire), les oustachis ont constitué le parti fasciste croate. Fondé en 1929 par un avocat de Zagreb, Ante Pavelitch, le mouvement oustasa constituera de 1941 à 1944 le parti unique du royaume fantoche de Croatie, obtenu par le démembrement de la Yougoslavie et placé sous protectorat allemand. Ce mouvement a pour origine l’antagonisme entre Serbes et Croates à l’intérieur du royaume des Serbes, Croates et Slovènes (nom officiel de la Yougoslavie de 1918 à 1929), les Croates revendiquant une plus grande autonomie à l’intérieur d’un État centralisé et administré en majeure partie par des Serbes.

En 1929, Pavelitch, député croate à l’Assemblée nationale yougoslave, fuit sa patrie au moment où le roi Alexandre prend le pouvoir, après avoir organisé une ligue armée ou Domobran (Ligue patriotique), qui se signale par une série d’attentats contre des journalistes de Zagreb. Pertchec, le chef de cette ligue, et Pavelitch se retrouvent à Sofia et, à l’exemple des Macédoniens, se décident à "la propagande par l’action", à la suite de quoi Pavelitch est condamné à mort par contumace.

Les oustachis se manifesteront à l’attention de l’opinion internationale par une série d’actes terroristes (bombes à retardement dans les trains à destination de la Yougoslavie, émission de fausse monnaie) qui culminera avec l’assassinat du roi Alexandre Ier de Yougoslavie et du ministre français des Affaires étrangères Barthou à Marseille, le 9 octobre 1934.

Depuis 1930, Pavelitch a organisé une petite légion de moins de 1 000 hommes qui s’entraîne au combat en Italie et que protège Mussolini. Celui-ci refusera d’extrader Pavelitch, qui sera condamné à mort par contumace à Paris pour avoir été l’instigateur de l’attentat de Marseille. Ce crime faillit mener à la guerre en Europe orientale, car le cabinet de Belgrade accusait la Hongrie d’avoir hébergé les oustachis. Dans ce cas, la Petite Entente (Tchécoslovaquie, Roumanie, Yougoslavie) eût attaqué la Hongrie sur trois fronts.

Mais c’est avec l’effondrement de l’armée yougoslave devant l’armée allemande que les oustachis pourront réaliser leurs aspirations. Pavelitch doit céder la Dalmatie à Mussolini (revendication territoriale italienne depuis 1915), et c’est à ce prix qu’il peut rentrer à Zagreb en vainqueur. Il place la Croatie sous l’autorité nominale d’un prince de la maison de Savoie (qui ne viendra jamais à Zagreb) et, avec l’aide des nationalistes croates modérés, organise une sanglante dictature. Il s’appuie surtout sur l’Allemagne nazie qui lui fournit armement et aide financière et, plus tard, sans autre programme que le racisme, aide militaire contre les partisans ; les oustachis pratiquent un véritable génocide des populations serbes établies sur le territoire du "royaume" (Croatie proprement dite et surtout Bosnie-Herzégovine).

Massacres et déportations dans des camps d’extermination se font sous l’œil bienveillant du clergé catholique. La lutte contre les partisans sera également prétexte à de nombreuses exécutions. Aussi les représailles exercées par les troupes de Tito (liquidation des dernières troupes de Pavelitch à Maribor en 1945) s’expliquent-elles parfaitement dans ce climat de haine sauvage. 50 ans plus tard, les haines sont toujours exacerbées entre les deux communautés et expliquent les affrontements depuis la mort de Tito.

1945

Condamnation à mort, en France, du collaborateur, Pierre Laval.

Né en 1883, fils d’un petit cafetier d’Auvergne, Pierre Laval dut travailler pour payer ses études qui lui permirent, en 1907, de s’inscrire au barreau de Paris. Venu de l’extrême gauche, mais dépourvu d’idéalisme, il s’affranchit de tous les partis pour faire carrière grâce à des amitiés personnelles. Avocat, conseiller de nombreux syndicalistes, il est élu député en 1914 puis maire d’Aubervilliers en 1923, fonction qu’il conservera jusqu’à sa mort. Plusieurs fois ministre après la guerre (14 – 18), il est président du Conseil en 1931.

La crise économique gagne la France. De nouveau ministre du Travail avec Tardieu et des Colonies sous Doumergue, il succède à Barthou (après son assassinat, cfr Chronique ci-dessus, le 9 Octobre 1934) au ministère des Affaires étrangères et redevient président du Conseil en 1935. Face à Hitler, il veut assurer à la France l’alliance de l’Italie (janv. 1935) et celle de l’U.R.S.S. (mai 1935). Staline décrète alors le ralliement des communistes français à la politique de défense nationale.

Laval a peut-être donné à Mussolini l’assurance de ne pas l’inquiéter dans l’affaire d’Éthiopie. Mais celle-ci fera tomber Laval en janvier 1936, alors qu’il s’était maintenu au pouvoir en dépit de sa politique monétaire de déflation et d’économies budgétaires, facteur de mécontentement dans l’opinion et surtout chez les fonctionnaires. Se prononçant contre la déclaration de guerre à l’Allemagne, il revient au premier plan après l’armistice.

Le 23 juin 1940, ministre d’État, il fait intervenir le vote des pleins pouvoirs au maréchal Pétain, vote qui a lieu le 10 juillet à Vichy ; il devient alors vice-président du Conseil. Persuadé de la victoire de l’Allemagne, il provoque la rencontre de Montoire entre Pétain et Hitler, d’où sortira la politique de collaboration (24 oct. 1940). Le 13 décembre, renvoyé par le maréchal, il reviendra au pouvoir le 17 avril 1942.

Rappelant qu’il n’a pas eu de responsabilité dans l’armistice, il obtient du maréchal la mission de changer les institutions et de gérer les relations avec l’occupant. Mais le maréchal et Laval s’entendent mal. Laval, en cumulant la direction du gouvernement, les Affaires étrangères, l’Information et l’Intérieur, est cette fois le véritable chef de l’État. Persuadé des difficultés de la collaboration, Laval s’engage dans une longue série de marchandages pour limiter les exigences de l’occupant. C’est la "relève" puis le Service du travail obligatoire. Mais, en même temps, son gouvernement prend des mesures de répression contre les juifs et contre les résistants.

Les extrémistes de la collaboration attaquent aussi Laval. À Vichy même, son passé de "politicien", son style, ses intrigues lui attirent peu de sympathies. Il est impopulaire auprès des Français. Laval n’est pas l’inventeur de la révolution nationale, mais il s’en sert à l’occasion. Dans l’Histoire, le nom de Laval est lié à la politique de collaboration et à ses plus tragiques modalités. Les Alliés étant parvenus aux portes de Paris, Laval tente une ultime manœuvre politique en essayant d’obtenir d’Herriot, jusque-là en résidence surveillée, la réunion du Parlement. Les Allemands l’entraînent vers Belfort et Sigmaringen. Il s’y considère comme prisonnier.

En mai 1945, il gagne l’Espagne par avion, mais est remis aux autorités françaises. Son procès porte à leur comble les passions politiques et partisanes. La retenue manifestée à l’égard de Pétain est balayée par la haine générale.

Condamné à mort le 9 octobre, Laval s’empoisonne dans sa cellule. Agonisant, il est néanmoins fusillé.

1962

Le 9 Octobre 1962, l’Ouganda proclame son indépendance.

L’Ouganda (Uganda) passait, avant l’indépendance, pour un des pays les mieux dotés du continent africain, un de ceux dont le destin était le plus prometteur. La situation générale de cet État, traversé par des convulsions de tous ordres et gravement affaibli, reste incertaine tant sur le plan politique que sur le plan économique.

L’Ouganda doit son existence à la volonté du Royaume-Uni de contrôler les sources du Nil à l’heure où les rivalités européennes se rallumaient, où les grandes puissances cherchaient à dominer les principales routes maritimes et à se réserver l’exploitation de nouveaux territoires. L’Égypte et le canal de Suez commandaient la route la plus courte d’Europe en Inde, et la possession de l’Égypte supposait qu’aucune nation hostile ne s’installât sur le haut Nil. C’est ainsi que l’ensemble disparate d’entités politiques qui allaient former l’Ouganda a revêtu une importance exceptionnelle dans la création de la future Afrique-Orientale britannique.

Ce petit pays continental d’une superficie de 236000 km² comptait, en 1991, près de 17 millions d’habitants. Son relief, le climat équatorial d’altitude, la présence de vastes lacs lui confèrent des traits propres.

Découverte en 1862 par l’explorateur anglais J. H. Speke, la " Suisse de l’Afrique ", le " pays des grands lacs ", fut placée sous protectorat britannique de 1894 à 1962. Il devint État indépendant le 9 octobre 1962. Depuis cette date, il n’a jamais réellement connu de stabilité politique, et son développement économique et social s’est trouvé gravement perturbé par la montée des violences, d’origine politique ou tribale.

De plus, il a connu un des dictateurs les plus sanglants de l’Afrique, pourtant riche en tyrannies de tous genres.

En 1971, un coup d’État militaire, mené par le chef d’état-major Idi Amin, mit fin à une première expérience de démocratie. Le général Amin, bientôt maréchal, se proclama chef de l’État (décret du 2 février 1971), puis président (décret du 13 mars 1971), procéda à la dissolution du Parlement et suspendit partiellement la Constitution. L’ex-président Oboté réussit à trouver refuge en Tanzanie.

La dictature qui s’installa pour plusieurs années en Ouganda s’accompagna de tous les excès du genre. L’élimination physique des opposants y était la règle (les organisations humanitaires s’en émurent à plusieurs reprises) ; l’expulsion de la communauté des Asians et la confiscation de leurs biens provoquèrent une chute brutale de l’activité commerciale, cependant que les exécutions organisées par des militaires ou des partisans du maréchal-président entretenaient une insécurité quasi permanente dans le pays. Viols, tortures, détournements de fonds internationaux, tout était bon pour augmenter ses richesses. Des faits de cannibalisme sont même à lui reprocher. L’Ouganda connut alors un déclin politique et économique dont il ne s’est toujours pas relevé.

C’est peut-être pour détourner l’attention de son opinion publique vers l’extérieur qu’Idi Amin envahit, en octobre 1978, une partie du territoire tanzanien, dans la région de la Kagera. Mal lui en prit. Avec l’appui de nombreux mouvements de résistance à la dictature militaire qui constituèrent un Front national de libération de l’Ouganda en mars 1979 à la conférence de Moshi, et une Armée nationale de libération de l’Ouganda, J. K. Nyerere (président Tanzanien) décida de punir son encombrant voisin ; les troupes tanzaniennes et l’Armée nationale de libération de l’Ouganda investirent la capitale, Kampala, en avril 1979 : le maréchal Idi Amin, malgré un appui de dernière heure de certains pays voisins (la Libye, le Soudan), fut obligé de quitter le pays.

1963

Un formidable glissement de terrain en Italie.

L’un des plus hauts barrages-voûte du monde, le barrage de Vajont en Italie (262 m), a résisté remarquablement à l’épreuve à laquelle il a été soumis, lorsque, le 9 octobre 1963, le glissement brutal de 350 millions de mètres cubes de rocher dans le lac a produit au-dessus de l’ouvrage une gerbe d’eau de 200 m de hauteur suivie par un déversement prolongé d’une lame d’eau de 15 à 20 m d’épaisseur. Le barrage-voûte, contrairement au barrage-poids, offre une résistance mécanique du béton et de la roche d’appui, comparée à la contrainte imposée, qui constitue un critère de sécurité toujours très confortable, au minimum 3 ou 4 et même plus, ce qui place les barrages-voûtes, dans leur ensemble, parmi les œuvres les plus sûres construites de main d’homme.

1978

La mort du chanteur et poète, Jacques Brel. Il n’y a rien de moi, dans ce texte, j’ai recopié entièrement le texte du site qui lui est destiné.

Nom : BREL
Prénoms : Jacques Romain Georges
Date de naissance : 8 avril 1929
Lieu de naissance : Schaerbeeck (faubourg au nord de Bruxelles)

Reprenant à son compte le néologisme de Senghor à propos de la "négritude", Brel stigmatise dans sa "belgitude" l'amour passionné de vieux amants déchirés pour sa belgique natale. Même si son succès viendra sur les scènes parisiennes, nombre de ses textes parlent encore et toujours de ce pays qui pour lui n'était qu'une vue de l'esprit (la Belgique n'existe que depuis 1830).

Il s'en prendra, jusqu'à la caricature outrancière, aux petits esprits étriqués qui peuplaient cette Flandre orgueilleuse qui oubliait trop souvent qu'elle avait encore les pieds dans le purin de ses campagnes. Mais il rendra un hommage sans égal à ce pays triste et pluvieux, que sera la chanson "le Plat Pays" qui était le sien aussi.

L'enfance de Brel est sans grande histoire, mais plutôt faite de petites histoires qui rendent son univers triste et industrieux de Bruxelles un peu plus propice au rêve et à l'évasion. Car Jacques est un doux rêveur qui ne pense qu'à des contrées lointaines, il rêve de Chine et d'Ouest lointain. Perdu dans ses songes, il en viendra à oublier ses études, et échouera dans la cartonnerie de son père. Son père qui après vingt ans passés au Congo Belge, gérait en bon bourgeois sa petite usine, et dont Jacques dira un jour :"Mon père était un chercheur d'or, l'ennui, c'est qu'il en a trouvé".

Mais Jacques rêve encore et toujours à s'évader de cet univers lourd et pesant où la seule perspective était le mur d'en face. Il intègre une troupe amateur qui égaie les foyers de malades et de personnes âgées, certains pourraient y voir la première lueur du charisme étonnant de Jacques Brel, d'autres n'y verront que l'empreinte catholique suant dans la jeunesse de l'époque, ce qui lui vaudra plus tard le surnom de "l'Abbé Brel" par Brassens.

Brel commence à se produire au cabaret de la Rose noire à Bruxelles, quelques mois plus tard il enregistre une épreuve sous le label Philips qui atterrira entre les mains de Jacques Canetti, grand découvreur de talent, qui l'invite à se produire à Paris dans son théâtre des Trois Baudets, pour une période de quinze jours.

Le succès est mitigé, mais qu'importe Jacques Brel prend la décision la plus importante de sa vie, il quitte l'usine familiale, et part s'installer à Paris. Le choix est difficile, tout comme la vie d'artiste, il est marié, a une fille et sa femme attend son second enfant.

Son physique ingrat, ses manières de boy-scout, sa naïveté ne l'aident guère, il multiplie les cabarets pour des cachets de misère.

En 1954, Jacques Canetti fait enregistrer un disque à Brel: un échec!

Il l'envoie faire ses classes en province en compagnie d'artistes aussi divers que Sidney Bechet, Dario Moreno, Philippe Clay, Catherine Sauvage, Poiret et Serrault, Raymond Devos.

L'année 55 est l'année d'une grande rencontre, celle de Georges Pasquier, dit "Jojo", qui deviendra son inséparable compagnon de route, jouant les rôles de chauffeur- régisseur -secrétaire et d'homme de confiance.

Canetti réussit à convaincre Philips d'enregistrer à nouveau un 25cm, il obtiendra en 1957, le Grand Prix de l'Académie Charles Cros. C'est son premier grand succès : "Quand on a que l'amour".

Tout porte à croire que c'est son grand envol, Simone Langlois lui consacre un album entier, et Juliette Gréco a mis "Le Diable" à son répertoire. Autre rencontre importante, celle de François Rauber, pianiste chef d'orchestre, qui écrira tous les arrangements des disques à venir.

En 1958, Philips décide l'enregistrement d'un troisième disque, qui permettra à Brel de sortir des années de vaches maigres.

Jacques prépare son premier Olympia, en première partie du spectacle de Philippe Clay. Ce passage dans la célèbre salle parisienne n'est pas prémonitoire de son succès futur, car Bruno Coquatrix, sur une idée un peu fausse de "l'Abbé Brel", n'en voulait pas. Le soir de la première, c'est l'explosion: Brel casse la baraque et Philippe Clay a beaucoup de mal de tenir la comparaison. La presse du lendemain donnait : "le meilleur du programme : Jacques Brel".

Tout était dit, on devait désormais compter avec le grand Jacques sur scène.

Les chansons s'enchaînent : "la valse à mille temps", "la dame patronesse", "les flamandes", et surtout "ne me quitte pas". Les tournées se suivent aussi, 300 représentations en un an.

Mais le dernier test viendra en octobre 1961, à l'Olympia. C'est dans cette même salle, où Jhonny Halliday vient de mettre son public au bord de l'émeute, à grands coups de twists endiablés et de fauteuils cassés, que Brel relèvera le défi de lui succéder. Piaf dira de lui : "il va jusqu'au bout de ses forces, parce que la chanson est ce qui lui fait dire sa raison de vivre, et chaque phrase vous arrive en pleine figure et vous laisse un peu groggy".

La collaboration entre Brel et Philips touche à sa fin. Brel décide de travailler avec Barclay et lui apporte d'emblée trois gros succès : "Rosa", "Bruxelles", et "le plat pays".

Jacques Brel atteint à ce stade une sorte de plénitude, son style est affirmé et le succès est au rendez-vous.

Il multiplie les tournées, les voyages et les activités.

Sa boulimie de vivre est étonnante, il doit et veut tout faire: la pratique de la voile et de l'avion n'en sont qu'un exemple. Tout ce qui pique sa curiosité est prétexte à "aller voir" selon son expression favorite.

L'année 1964 sera marquée par des problèmes privés très divers (son père et sa mère disparaissent à deux mois d'intervalle) et par ce qu'il est convenu d'appeler l'apothéose de sa carrière: l'Olympia 64. C'est lors d'une de ses représentations qu'il crée "Amsterdam" devant un public totalement abasourdi, qui au milieu de son tour de chant lui fait une ovation debout, réclamant qu'il bisse la chanson.

Le disque de cet "Olympia 64" recevra le Prix Francis Carco de l'Académie du Disque, et Brel sera sacré meilleur chanteur de l'année par la revue Music-hall. Brel arrive au faîte de sa carrière, pour cet homme avide de découvertes, la chanson ne lui apporte plus rien, il se passionne pour le pilotage de son avion.

Il livre un ultime 25cm qui est un pur chef d'oeuvre : "ces gens là", "Jacky", "Grand-mère", "fernand", "les désespérés". Il annonce qu'il abandonne définitivement la scène. Il mettra près d'un an à honorer les contrats qui restent.

Après avoir bourré à craquer l'Olympia pendant un mois, le Carnegie Hall de New York et l'Albert Hall de Londres, il fait son dernier tour de piste en 1967, dans un petit cinéma de Roubaix. Saluant une dernière fois la foule émue, il déclarera "cela justifie quinze années d'amour".

Il ne voulait pas arrêter la chanson mais juste la scène. Il sortira encore un nouvel album, en lieu et place d'un disque sur ses adieux: "mon enfance", "la chanson des vieux amants", "mon père disait", "le gaz". Il se tourne vers le cinéma et au cours des six années qui suivront, il jouera dans une dizaine de films aux fortunes diverses, dont deux ("Franz" et "le far west") écrits et mis en scène par lui.

Fin 68, après un dernier album d'une rare intensité ( "j'arrive", "je suis un soir d'été", "l'éclusier", "l'ostendaise"), Brel tourne définitivement la page. Il montera encore "l'homme de la Mancha", dont la quête semble résumer sa vie. Les rumeurs font état de son installation dans des îles chaudes, entre ciel et mer, baignées de lumière, mais aussi de maladie, jamais précisée ni démentie.

Les nouvelles se feront rares.

Neuf années plus tard, à la grande surprise générale, la nouvelle est portée sur les ondes : Brel vient de sortir un nouvel album. Un million d'exemplaire vendu en pré-vente, deux millions seront pressés. Mais cet album est celui de la tristesse contenue, de la colère à peine voilée, c'est celui du dernier combat.

Jacques Brel ne donne aucune leçon aux hommes, mais il les met au pied du mur: celui de leur mort, celui de sa mort qui s'annonce.

Il réclame des comptes sur la mort de "Jaures", nous parle de "Jojo", et un ultime chagrin dans "voir un ami pleurer". Cet album incarne les derniers mots qu'il voulait arracher à la mort.

Le 9 octobre 1978, le rideau tombe.

Un artiste s'en est allé en rejoindre un autre, Gauguin, dans ce pays du bout du monde où la lumière donne des couleurs sans pareil à la vie mais aussi à la mort.

(Extrait du site de Brel).

Cam.

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Toutes ces chroniques ont été écrites par Cam (cleclercq@cybernet.be)
Dernière modification le 26/10/98, ©camilist 1998 --- une remarque ?
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