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Chroniques du 19 Octobre.

Sommaire

Antiquité Romaine.

L’activité guerrière dominait, de mars à octobre, une portion définie de l’année religieuse romaine correspondant à la saison primitivement réservée à ce type d’activité. En mars, sous la tutelle du dieu qui donnait son nom à ce mois, un ensemble de cérémonies visait à inspirer aux combattants sur le départ le délire sacré, le furor , requis par l’état particulier où ils entraient ; en octobre, une nouvelle série de rites, au retour des combattants, les désacralisait pour faciliter leur passage à la vie civile.

Deux équipes de prêtres spécialisés étaient chargées d’opérer ces transitions : les Saliens du Palatin, consacrés à Mars, assuraient l’ouverture de la saison guerrière ; les Saliens de la Colline, consacrés à Quirinus, intervenaient pour la clore. Les premiers opéraient le 19 mars, les seconds le 19 octobre. À ces deux dates, portant les ancilia  (les douze boucliers bilobés dont onze étaient la fidèle reproduction d’un talisman tombé du ciel) qu’ils frappaient à coups de javelots, les Saliens parcouraient les rues de Rome en chantant un hymne propre à leur collège et en se livrant à une danse à trois temps, la tripudium . Leur intervention se limitait à cela.

Mais le sens en était différent selon la date : le 19 mars, il s’agissait de "mettre les boucliers en mouvement" ("ancilia movere "), le 19 octobre de "ranger les boucliers" ("ancilia condere "). Aussi, l’équipe du mois de mars intervenait-elle au nom du dieu Mars, technicien des combats, celle d’octobre au nom de Quirinus, protecteur de la paix.

439

La prise de Carthage par les Vandales.

Les Vandales, comme les Goths, étaient issus de Scandinavie, au nord du Jutland ; mais, dès le Ier siècle de notre ère, ils étaient établis sur la côte méridionale de la Baltique, entre Oder et Vistule. Peu après, ils se scindèrent en deux groupes : les Silings, qui gagnèrent la Silésie (elle leur doit son nom) et les Hasdings, qui s’établirent un peu plus au sud-est. Ils restèrent un peu plus d’un siècle dans ces nouveaux habitats. Puis, au milieu du IIIe siècle, on les retrouve beaucoup plus à l’ouest : les Hasdings en Pannonie et les Silings en Franconie.

Vers 400, l’intrusion des Huns força les premiers à se rabattre vers le Rhin moyen. Les deux groupes le franchirent de conserve en 406, puis errèrent en Gaule durant trois ans. En 409, ils se ruèrent sur l’Espagne, accompagnés des Suèves et d’une partie des Alains. Une fois les Pyrénées franchies, ils se répartirent le pillage et l’exploitation de la péninsule. Les Hasdings reçurent un lot en Galice, les Silings en Bétique (Andalousie). Ils n’en jouirent pas longtemps : dès 418, l’Empire envoya les Visigots de Wallia à leurs trousses, les Silings furent anéantis. Restaient les Hasdings : ils passèrent à leur tour en Bétique (419), puis commencèrent à sonder l’Afrique romaine, au-delà de Gibraltar. En effet, par une mutation difficile à expliquer, ce peuple terrien se découvrit alors une vocation maritime qui dura plus d’un siècle.

Le roi Genséric décida en 429 de transférer son peuple et les débris des Alains en Afrique. Après avoir débarqué à Tanger, l’armée s’achemina lentement, par voie de terre, en direction de Carthage. Pendant un an, elle fit le siège d’Hippone, au cours duquel mourut saint Augustin.

En 435, Genséric traita avec les autorités romaines : on lui abandonnerait l’ouest de l’Afrique utile. Il ne s’en accommoda pas longtemps : le 19 octobre 439, il enlevait Carthage par surprise. La ville devait rester jusqu’en 533 la capitale d’un royaume vandale qui comprit, avec la Tunisie et le Constantinois, toutes les villes côtières entre la Grande Syrte et Oran.

Le pillage de l’Afrique intacte, loin de rassasier Genséric, le mit à même de poursuivre ses entreprises. Improvisant ou capturant une flotte, on ne sait, il utilisa Carthage comme base de raids auxquels nul ne s’opposa, vers la Sicile (440), la Corse, la Sardaigne et les Baléares (vers 455), enfin vers Rome, qui fut mise à sac en 455.

La plupart des îles méditerranéennes passèrent sous la dénomination vandale. Le profit fut énorme et l’insécurité qu’il put faire peser sur le trafic maritime, notamment sur le ravitaillement des capitales, fut pour Genséric un moyen efficace de chantage politique jusqu’à sa mort (477).

Dans son foyer même, en Afrique proconsulaire (Tunisie du Nord), l’organisation de l’État vandale fut tournée vers le pillage plus que vers une administration régulière. La classe dirigeante romaine fut expropriée ou exilée, l’épiscopat catholique subit des persécutions violentes en sa qualité de complice naturel des Romains.

Périodiquement, on les déportait au Sahara ou en Sardaigne ; des tentatives furent même faites pour imposer l’arianisme aux Africains. Tout ce qui n’était pas rentable, par exemple la défense de l’Ouest face aux résurgences du nomadisme berbère, fut abandonné sans scrupules. Sur ces ruines, rien de solide ne fut bâti : l’apport des Vandales apparaît surtout négatif. La masse de la population continua cependant à vivre dans le cadre des lois romaines, comme en témoignent les remarquables " tablettes Albertini ", ces actes privés du Ve siècle retrouvés près de l’actuelle frontière algéro-tunisienne. Ce qu’il restait d’intellectuels nourrit contre les Vandales une haine profonde : d’où leur très mauvaise réputation dans l’historiographie.

Les choses ne s’apaisèrent quelque peu qu’au bout de deux générations, sous le roi Thrasamund (496-523), qui esquissa un rapprochement avec l’aristocratie sénatoriale, à l’imitation de son beau-frère, Théodoric le Grand. Mais il était bien tard ! En 533, Justinien décida de reconquérir l’Afrique ; Bélisaire débarqua le 30 août et entra à Carthage dès le 15 septembre. En moins d’un an, tous les Vandales furent capturés et déportés en Orient. Ce qui restait de l’Afrique réintégra pour plus d’un siècle l’Empire romain.

L’Afrique n’a gardé à peu près aucune trace de la domination vandale, qui ne fut qu’un épisode transitoire. Après leur passage, elle se retrouva profondément diminuée, amputée de presque toutes ses régions les plus occidentales et reléguée en marge du mouvement général de la civilisation méditerranéenne, auquel elle avait tant contribué du IIIe au Ve siècle, et cela sans aucune compensation, car l’apport intellectuel, juridique, artistique ou économique des Vandales fut à peu près nul.

1931

Lorsque, en 1963, parut " L’Espion qui venait du froid "  de John Le Carré, James Bond était au sommet de sa gloire ; l’agent spécial 007 d’Ian Fleming, chevalier sans peur sillonnant le monde dans un époustouflant déploiement de gadgets, donnait une image flamboyante et hollywoodienne de l’espion.

Le Carré, lui, évoquait le quotidien minable de ce sale métier, les heures passées dans la poussière de la documentation, le lent cheminement des intrigues et des recherches. Renouant avec la tradition réaliste illustrée avant lui par les deux maîtres britanniques Eric Ambler et Graham Greene, il imposait une nouvelle tonalité, la grisaille d’une aube blafarde près d’une rivière en Allemagne, le climat de désespoir sans gloire du Berlin de la guerre froide. Dans l’histoire de Leamas, l’agent britannique qu’on envoie derrière le rideau de fer jouer le rôle de transfuge passé à l’Est et qui s’aperçoit trop tard qu’il a été floué, manipulé par ses supérieurs, plus de chevalier : rien que des pions qu’on pousse sur l’échiquier de la guerre des nerfs. Le thème du retournement est ici exploré jusqu’à l’inquiétante limite où c’est l’emprise sur la réalité qui finit par se perdre.

David John Moore Cornwell est né le 19 octobre 1931 dans le Dorset (Grande-Bretagne). Élève à la Shelborne School (l’école de Goodbye Mr. Chips ), il refuse à seize ans d’y retourner et est envoyé apprendre les langues étrangères à Berne. Il fait ensuite son service militaire dans l’Army Intelligence Corps qui le poste à Vienne : on est en 1948-1949, à l’époque du pont aérien de Berlin, et celui qui va devenir Le Carré est aux premières loges pour percevoir toute l’ambiguïté de la Realpolitik  qui se joue sur la carte d’une Europe qui n’est sortie de la guerre que pour se scinder en deux camps.

Revenu faire des études à Oxford (dont il sort en 1956), il est un moment tutor  à Eton College, la célèbre public school  (1956-1958), puis entre aux Affaires étrangères qui l’envoient d’abord comme deuxième secrétaire à Bonn (1960-1963) puis comme consul à Hambourg (1963-1964). Il a déjà alors publié sous un pseudonyme (carrière diplomatique oblige) deux romans : " L’Appel du mort "  (Call for the Dead , 1960) et " Chandelles noires "  (A Murder of Quality , 1962). Le grand succès de " L’Espion qui venait du froid "  (1963) l’amène à se consacrer à temps complet au métier d’écrire.

Avec  " Le Miroir aux espions ""  (The Looking Glass War , 1965), où à nouveau un agent est désavoué par le quartier général (" Nous l’avons envoyé parce qu’on en avait besoin ; abandonné parce qu’il le fallait "), puis " Une petite ville en Allemagne "  (1968), Le Carré approfondit une œuvre dont la plus grande réussite est peut-être le personnage de George Smiley, chef des renseignements britanniques : un homme qu’on prendrait pour un sous-chef de bureau fatigué, avec " son costume râpé qui pendouille sur sa silhouette trapue comme la peau d’un crapaud ratatiné ", mais dont le lent, patient, tenace et obscur travail permet de débusquer la Taupe (Tinker, Tailor, Soldier, Spy , 1974, trad. franç. La Taupe ) qui s’est infiltrée au cœur des services — histoire partiellement calquée sur l’affaire Philby — et qui reconstruit ensuite dans " Comme un collégien "  (The Honourable Schoolboy , 1977) le labyrinthe des réseaux.

Dans  " Les Gens de Smiley "  (Smiley’s People , 1979), John Le Carré poursuit sa geste en extirpant l’irremplaçable Smiley de sa retraite bien méritée, pour le lancer une fois encore dans le monde nauséabond de l’espionnage. " Un pur espion "  (1986) est sans doute le roman où Le Carré a mis le plus de lui-même, tandis que " La Maison Russie "  (The Russia House , 1989) et " Le Voyageur secret "  (The Secret Pilgrim , 1990) prennent acte de l’effondrement du bloc soviétique, et tentent de frayer des pistes nouvelles.

1987

Nationalisation du canal de Suez. Nasser, devant le refus occidental de cofinancer la construction du barrage d’Assouan, se tourne vers les Soviétiques qui lui assurent leur aide et nationalise le canal pour financer le barrage grâce aux " droits de pasdsge ". J’en ai parlé à plusieurs reprises dans des chroniques, voir à Nasser.

Le Canal de Suez est une voie d'eau artificielle qui traverse l'isthme de Suez du nord au sud. Il est situé dans le nord-est de l'Égypte et relie Port-Saïd (sur la mer Méditerranée) au golfe de Suez, sur la mer Rouge. Le canal abrège de plus de la moitié le trajet maritime entre les ports européens et américains situés en Asie du Sud-Est, en Afrique de l'Est et en Océanie, en évitant aux bateaux d'avoir à contourner l'Afrique.

Le canal de Suez mesure environ 160 km de long, pour une largeur minimale de 60 m ; des navires de 20 m de tirant d'eau peuvent y transiter. Il peut recevoir des bateaux allant jusqu'à 150 Mille tonnes. Il n'est pas équipé d'écluses, car il relie deux points situés au niveau de la mer sans aucune surélévation de sol entre les deux. Le canal utilise trois plans d'eau : le lac Manzala, le lac Timsah et les lacs Amer (ces derniers sont en fait un seul plan d'eau continu). La plus grande partie du canal est limitée à une voie unique de circulation mais plusieurs points de passage y sont situés. Il existe par ailleurs des tronçons à deux voies dans les lacs Amer et entre El-Kantara et Ismaïlia. Une voie ferroviaire longe la rive occidentale du canal.

Le premier canal entre le delta du Nil et la mer Rouge fut creusé au XIIIe siècle av. J.-C., sans doute sur l'ordre d'un pharaon égyptien, Séthi Ier puis repris sous Ramsès II. Au cours des mille ans qui suivirent, ce passage suscita peu d'intérêt, malgré quelques tentatives de réorganisation ou de modification des plans du canal.

Tous les efforts pour le conserver en bon état furent finalement abandonnés au VIIIe siècle apr. J.-C. Le projet resurgit au XIXe siècle. En 1854, le diplomate et ingénieur français Ferdinand de Lesseps, consul de France à Alexandrie, réussit à éveiller l'intérêt du vice-roi d'Égypte Saïd Pacha pour le projet.

En 1858, Lesseps fonda la Compagnie universelle du canal, qui fut chargée de creuser le canal et d'en diriger les travaux pendant 99 ans, après quoi la propriété du canal appartiendrait au gouvernement égyptien. La compagnie fut tout d'abord une entreprise privée égyptienne, ses actionnaires étant principalement des Français et des Égyptiens.

Les travaux d'excavation commençèrent le 25 avril 1859. Malgré les pressions du Royaume-Uni, qui souhaitait sauvegarder ses intérêts vers la route des Indes et qui obtint une interruption de trois ans entre 1863 et 1866, le canal fut ouvert à la navigation le 17 novembre 1869. Deux ans après, en 1871, le tunnel ferroviaire du Mont-Cenis était accessible, entre la France et l'Italie, améliorant encore le trajet vers les Indes.

En 1875, le gouvernement britannique racheta les parts de l'Égypte, devenant ainsi le principal actionnaire. En vertu des termes et conditions d'une convention internationale signée en 1888, le canal de Suez fut ouvert aux navires de toutes nationalités, sans discrimination, par temps de paix et par temps de guerre.

Le Royaume-Uni considérait néanmoins que le canal était un élément vital au maintien de sa puissance maritime et de ses intérêts coloniaux, s'agissant en particulier de la communication avec l'Inde. En vertu des dispositions du traité anglo-égyptien de 1936, le Royaume-Uni obtint le droit de maintien de ses troupes défensives dans la zone du canal de Suez, prenant ainsi le contrôle des régions voisines.

La défaite de Rommel à El-Alamein empêcha les Allemands de prendre son contrôle pendant la Seconde Guerre mondiale. À la suite de la création de l'État d'Israël en territoire palestinien, en 1948, le gouvernement égyptien interdit aux navires israéliens de transiter par le canal.

Les nationalistes égyptiens exigèrent à plusieurs reprises du Royaume-Uni qu'il évacue le territoire du canal. En 1954, les deux pays signèrent un accord septennal qui rendait caduc celui de 1936 et stipulait le retrait progressif mais intégral des troupes britanniques du territoire. En juin 1956, toutes ces troupes s'étant retirées, l'Égypte prit possession des installations britanniques.

Le 26 juillet 1956, peu après que les États-Unis et le Royaume-Uni eurent retiré leur offre d'aide financière dans la construction du grand barrage d'Assouan, le gouvernement égyptien s'empara du canal de Suez, en vertu d'un décret de nationalisation émis par le président Gamal Abdel Nasser. Ce dernier annonça que l'Égypte avait l'intention d'utiliser les dividendes du fonctionnement du canal pour financer le barrage.

Cam.

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Toutes ces chroniques ont été écrites par Cam (cleclercq@cybernet.be)
Dernière modification le 26/10/98, ©camilist 1998 --- une remarque ?
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