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Chroniques du 3 Novembre.

Sommaire.

361

Mort de l’empereur Constance II, fils aîné de Constantin le Grand.

Né en Illyrie (Yougoslavie), en 317, Constance a été proclamé César en 323. En 332, à quinze ans, il est nommé gouverneur des Gaules et prend le titre de Gothicus Maximus ; enfin en 335, deux ans avant la mort de son père Constantin le Grand, il reçoit en partage le gouvernement des diocèses d’Asie et d’Orient. Il préside les funérailles de son père à Constantinople. Il fait ensuite assassiner le beau-frère puis le frère de Constantin et enfin ses cousins, les deux Césars Delmatius et Hannibalianus. Il ajoute alors aux diocèses qu’il gouverne ceux du Pont et de la Thrace, et le Sénat le proclame auguste en même temps que ses deux frères Constant Ier et Constantin II. Des trois, Constance II est sans doute le plus ambitieux

Les débuts de son règne sont occupés par la défense des frontières de l’Orient menacées par les Sassanides (dynastie Perse) du roi des rois, Sapor, qui assiègent Nisibe. Constance II réussit à dégager la ville en 338 et, la même année, il défait en Arménie les partisans des Perses qui perdent également l’alliance des Arabes de Syrie, avec lesquels Constance II négocie un traité de paix. Les hostilités reprennent entre 348 et 350, mais sans succès décisif ni dans un camp ni dans l’autre.

En 350, la mort de son frère Constant Ier, qui s’était emparé dix ans auparavant des domaines sur lesquels Constantin II exerçait sa souveraineté, provoque une crise de régime et les usurpateurs, candidats à la couronne impériale, se multiplient. Constance II doit intervenir soit par la diplomatie auprès de Vetranion, un officier qui accepte de déposer la pourpre qu’il s’était octroyée, soit par la force contre Magnence qui s’est fait proclamer empereur en Occident. Aussi Constance II est-il contraint de quitter ses provinces d’Orient et de les confier à Gallus, fils d’un frère de Constantin assassiné, auquel il confère en 351 le titre de César et auquel il donne en mariage sa sœur Constantine.

Constance II se dirige vers la Pannonie, bouscule les armées de Magnence, puis les bat en Italie en 352 et en Gaule en 353. Magnence, abandonné, se suicide et Constance II, comme naguère son père Constantin le Grand, peut prétendre incarner l’unité retrouvée de l’Empire romain. Mais sa tâche n’est pas achevée. Il doit encore contenir à l’est de la Gaule les Alamans et les Francs en 354. La même année, il fait arrêter Gallus qui a pris le pouvoir en Orient. Gallus est décapité. Pourtant, devant l’immensité de sa charge, Constance II, en 355, se résout à prendre à ses côtés Julien, demi-frère de Gallus.

Celui-ci, âgé de vingt-quatre ans, est proclamé César en présence des légions à Milan et il épouse Hélène, la plus jeune sœur de Constance II. Julien part pour son gouvernement des Gaules et défend avec succès les frontières de cette province. Puis il s’installe à Lutèce en 358 et renforce son armée sur la frontière rhénane. Constance II, jaloux et méfiant, rappelle en Orient Julien que ses légions, en signe de protestation, proclament Auguste. Des négociations sont engagées et Julien part pour l’Orient avec son armée, non sans avoir sacrifié à Bellone et avoir fait acte de paganisme.

La lutte semble inévitable, lorsque Constance II meurt des suites d’une fièvre en Cilicie, au pied du mont Taurus, le 3 novembre 361 ; l’armée se rallie alors à l’empereur Julien. Le règne de Constance II a été marqué par des événements importants dans le domaine politique, mais bien plus encore dans le domaine religieux. Constance II, adepte du christianisme, persécuteur des païens qui n’ont plus le droit de célébrer leur culte sous peine de mort, se trouve au centre de la querelle entre les chrétiens de stricte orthodoxie, partisans du concile de Nicée de 325, et les Ariens nombreux en Orient.

Constance II soutient la cause de ces derniers, expulse même l’évêque Athanase d’Alexandrie, en 356 ; il convoque plusieurs conciles, dont l’un à Rimini en 359 et un autre à Constantinople en 360. Ces querelles religieuses divisent l’empire entre l’Orient et l’Occident et provoquent à la mort de Constance II une inévitable réaction du paganisme dont l’empereur Julien (d’ailleurs surnommé l’Apostat) sera le zélateur.

644

Assassinat d’Omar 1er (ou Umar 1er ), deuxième successeur de Mahomet.

Omar Ier (ou Umar Abu Hafsa Ibn Al-Khattab), né en 581, devint le second calife en 634. Abu Bakr avait désigné Omar comme son successeur sur son lit de mort et tous les membres importants de la communauté islamique l'acceptèrent immédiatement. C'est sous sa direction qu'eut lieu la première grande expansion de l'islam en dehors des frontières de l'Arabie. L'Égypte, la Syrie, l'Irak et le nord de la Mésopotamie devinrent des territoires islamiques et les armées de l'Empire perse furent mises en déroute plusieurs fois. Omar ajouta le titre d'amir al-muminin (en arabe, "commandeur des croyants ") à celui de calife.

Deuxième successeur du Prophète à la tête de la communauté islamique, ‘Umar Ier joue un rôle décisif dans l’expansion de l’islam et dans l’organisation de l’État musulman. D’abord fermement opposé à la prédication de Muhammad, il change bientôt d’attitude et se fait l’un des plus fervents adeptes de l’islam, les mots du Coran comme la teneur de cette nouvelle religion étant à l’origine de sa conversion. Du vivant du Prophète, sans occuper le premier rang, il joue un rôle d’éminence grise dans les domaines politique et diplomatique.

À la mort de (Mahomet) Muhammad en 632, il favorise l’élection d’Abu Bakr au califat, prise de position qui lui sera toujours reprochée par la tradition shi‘ite pour laquelle le califat eût dû revenir, de droit, à ‘Ali. Deux ans plus tard, Abu Bakr le désigne, avant de mourir, comme son successeur ; au cours des dix années que dure son califat, l’Islam remporte une victoire définitive sur les empires voisins. Énergie et sagesse politique caractérisent le nouveau calife qui s’entoure de brillants généraux mais maintient son autorité en jouant sur les rivalités qui s’élèvent entre ces " hommes nouveaux " et les anciens compagnons du Prophète. Dès 636, la victoire du Yarmuk met fin à la domination byzantine en Syro-Palestine, puis, en 637 et 640, les victoires de Qadisiya et de Nihavend provoquent l’écroulement de l’empire sassanide, tandis que commence la conquête de l’Égypte dont la capitale, Alexandrie, tombe en 642.

L’activité du calife ne se limite pas aux campagnes ; elle s’étend aussi à l’ensemble de l’organisation politique et sociale de l’État avec la mise en place d’une armée structurée, d’une administration et d’une magistrature, avec l’institution de ce que l’on appellerait aujourd’hui une politique d’aménagement du territoire — création de villes nouvelles comme Basra, Kufa, Fustat — ou encore avec l’institution d’un statut des populations non musulmanes. C’est aussi à son califat que l’on doit une codification du pèlerinage, le choix de l’hégire comme origine du nouveau calendrier et l’usage, parallèlement à celui de calife, du titre de commandeur des croyants (amir al-mu‘minin).

Ce " destin exemplaire " s’achève le 3 novembre 644 : ‘Umar est assassiné dans la mosquée de Médine par Abu Lu’lu’a, affranchi du gouverneur de Basra. Si les circonstances exactes du meurtre et les motivations profondes du meurtrier restent obscures, il est certain que le calife mourut sans désigner son successeur. La nomination de celui-ci provoque au sein de la communauté des dissensions entre les deux forces qui vont dominer la scène politique pendant tout le siècle suivant : les Umayyades apparentés à ‘Uthman, désigné troisième calife, et les partisans de ‘Ali, convaincus du bon droit du cousin et gendre du Prophète et qui voient, une fois de plus, leurs espoirs déçus.

C’est cette division politique et familiale qui donnera d’ailleurs naissance au schisme religieux entre sunnites et shiites. Les partisans d’Ali, de la famille du prophète, écartés du pouvoir, veulent afficher leur orthodoxie religieuse en se montrant plus " catholique que le Pape ", plus " musulman " que les fidèles … ! Ils pratiquent un intégrisme parfois fanatique, ce sont les shiites. Les sunnites sont en général plus tolérants.

743

Fête de Saint-Hubert.

De très grande famille, probablement apparenté aux Pépinides (Pépin de Landen, de Herstal, le Bref,), Hubert était sans doute marié quand il fut élu évêque de Maastricht vers 705. Il travailla à extirper de son diocèse les restes d’idolâtrie. Le 24 décembre 717 (ou 718), il transféra de Maastricht à Liège les reliques de son prédécesseur immédiat, le martyr Lambert. Liège devint ainsi siège épiscopal et débute un développement qui en fera une des premières villes impériales et d’Occident.

Hubert mourut à Tervueren, en 727, dans l’une des " villas " (type Carolingien). Mais il fut ramené en grandes pompes et enseveli à Liège. On porta ses reliques devant l’autel le 3 novembre 743, et c’est à l’anniversaire de cette cérémonie que fut fixée sa fête. En 825, on donna une partie de ses reliques au monastère d’Andage dans les Ardennes, qui prit le nom de Saint-Hubert. C’est là que se développa la légende du saint, qui d’évêque fut transformé en jeune seigneur chasseur. Dans ce monastère, on élevait une race de chiens qui prirent son nom, et on invoqua le saint contre la rage.

1975

Assassinat sur la plage d’Ostie, le port de Rome, du cinéaste italien, Pier Paolo Pasolini.

Après quelques années de scénariste, Pasolini est passé derrière la caméra. D’emblée, ses films provoquent une curiosité qu’il attise par le caractère provocant, parfois un peu brouillon, de ses déclarations : il commence en effet à tourner à l’époque où, le néo-réalisme étant mort, la critique cherche de nouveaux auteurs. Dans ses deux premiers films, " Accattone "  et " Mamma Roma " , Pasolini porte à l’écran les thèmes de ses romans. Leur alternance de dureté et de préciosité, leur passage constant, quoique heurté, du vérisme aux allusions esthétiques (celle par exemple au Christ mort de Mantegna à la fin de Mamma Roma ) retiennent moins l’attention des premières critiques que la pénurie des moyens utilisés et l’aspect expérimental (son direct, plans-séquences et longs plans fixes çà et là) qui ont fait parler, à son propos, d’un Godard italien.

À la différence de Godard, Pasolini ne cultive guère la dérision et aura tendance à séparer le cinéma ethnologique, descriptif, du reste de son œuvre, comme en témoigne son film-enquête sur la sexualité de ses compatriotes, entreprise sérieuse, pleine de tendresse pour ceux qu’il interroge, et qui, aujourd’hui encore fort intéressant comme document, n’en marque pas moins une date dans l’œuvre du cinéaste.

En 1963, la participation de Pasolini au film à sketches " Rogopag "  provoque un premier scandale : il y met en scène le figurant minable d’un peplum  qui, chargé de jouer le Christ sur la croix, finit par mourir d’une indigestion de fromage blanc (La Ricotta ). Mais la tempête se déchaîne quand Pasolini tourne en Italie du Sud son adaptation prolétarienne de " L’Évangile selon saint Matthieu "  : accusé de blasphème et condamné à quatre mois de prison avec sursis pour " La Ricotta " , il se trouve à présent coincé entre l’Église (fort réticente devant son Christ prophétique jusqu’à la colère et totalement " paysan ", mais défendu par les milieux catholiques progressistes) et les partis marxistes auxquels le cinéaste reproche de ne pas prendre la religion au sérieux. Par provocation, d’ailleurs, il va jusqu’à confier à sa propre mère le rôle de la Vierge. En outre, le film est un magma stylistique (auquel ne manque même pas, malgré les efforts de son auteur, la touche " Saint-Sulpice "). Il recevra néanmoins un prix spécial à Venise.

Libéré de l’hypothèque réaliste, le cinéma de Pasolini trouve alors son expression théorique la plus cohérente quand, au festival de Pesaro (juill. 1965), Pasolini lance la distinction entre " cinéma de prose " et " cinéma de poésie " ; ce dernier, affirme-t-il (sous l’influence évidente de Cocteau, de Godard, mais aussi et surtout de Welles), a pour principal objet sa forme même, tant au niveau des symboles qu’il déleste de leurs attaches naturalistes, qu’à celui, plus important encore, de la plastique ; le sens révolutionnaire ne sera donné que par surcroît. Les films qui suivent, qu’il s’agisse de paraboles dramatiques comme " Teorema "  (Théorème ), de films d’horreur comme " Porcile "  (Porcherie ) ou de créations savamment fantaisistes comme " Uccellacci e uccellini "  (Méchants Oiseaux, petits oiseaux ), montrent tous un cinéaste en pleine possession de ses moyens, qu’il applique avec un même bonheur au traitement des mythes grecs : " Œdipe roi " , " Médée ".

Ayant reçu le prix de l’Office catholique international du cinéma pour Teorema  (film qui, en d’autres lieux, lui vaut de violentes attaques pour obscénité et " insultes à la religion "), Pasolini exploite au mieux sa position apparemment inconfortable, non toutefois sans commettre quelques erreurs qui décontenancent ses admirateurs. C’est ainsi que, en 1968, il prend la défense des policiers " fils de prolétaires " qui ont agressé les étudiants en révolte, tout en ironisant (et c’est là le fond de son propos) sur le " retard " du Parti communiste italien sur ce sujet. Il se prononcera, de même, avec des arguments très faibles, dont il ne parvient pas à dissimuler le caractère sentimental, contre  la liberté de l’avortement.

Sa carrière cinématographique connaît vers la même époque un tournant ; mettant en scène ce qu’il appelle la " trilogie de la vie " (ou plus exactement de la joie de vivre), qui implique le retour à des sources littéraires, il prend une certaine distance par rapport au christianisme. Boccace, Chaucer et les contes arabes servent de support à ces films, où on trouve, en particulier dans le premier, d’admirables passages dans lesquels le style de Pasolini reste tout à fait perceptible. Mais le cinéaste annonce moins ici l’évolution des mentalités et des mœurs qu’il ne l’accompagne, même si son " Décaméron "  est, paraît-il, le premier film de l’histoire où l’on distingue (fugitivement) un sexe d’homme en érection.

Revenant au versant tragique de la sexualité, Pasolini annonce alors une entreprise audacieuse quoique très discutable intellectuellement : porter à l’écran " Les Cent Vingt Journées de Sodome "  de Sade, en les transposant dans le contexte de l’éphémère République fasciste fondée par Mussolini en 1943 dans la petite ville de Salò.

L’annonce même du projet réveille les polémiques, mais celles-ci visent bien moins l’adaptation que le cadre qu’entend lui donner Pasolini. Depuis longtemps, d’ailleurs, celui-ci est l’objet de la haine des milieux fascisants. Le 3 novembre 1975, le cinéaste est attiré et assassiné sur la plage d’Ostie. Quelques jours plus tard, la projection de Salò  est interdite en Italie pour obscénité, et c’est le festival de Paris qui en assurera la première mondiale.

Cam.

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Toutes ces chroniques ont été écrites par Cam (cleclercq@cybernet.be)
Dernière modification le 11/11/98, ©camilist 1998 --- une remarque ? jrmasson@nordnet.fr !