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Chroniques du 24 Décembre.

Sommaire.

La Nuit des Mères

Le 24 décembre a lieu la fête nordique de la nuit des Mères. Elle est mentionnée par Bède le Vénérable (De temporum ratione , XIII) qui rapporte l’expression " Modranith " comme désignant, aux temps païens, la veille de Noël. Cette appellation atteste une influence celtique irrécusable et renvoie au culte des Mères (Matres, Matrae, Matronae), qui, s’il ne paraît pas avoir été connu de la Scandinavie à proprement parler, a joui d’une popularité bien établie dans tout le reste de la Germania.

On a la preuve de l’existence de divinités féminines de la fertilité-fécondité, conçues d’abord comme donatrices. Presque partout, on a retrouvé des stèles et des gravures représentant des femmes, debout ou assises, tenant dans leurs mains des fruits ou des cornes d’abondance ; on les appelle Gabiae, Alagabiae (d’après un thème initial intéressant qui évoquerait l’idée de chance) ou Dea Garmangabis, noms dans lesquels revient constamment gab , qui signifie " don ".

Sans doute ces femmes peuvent-elles être mises en relation avec certaines déités ou représentations fatidiques, telles les valkyries. Mais il est plus satisfaisant de les considérer comme une résurgence récente, ou comme une coïncidence, favorisée par les influences celtiques, avec une notion très ancienne, celle des " dises " (dísir ), qui présidaient à la naissance de chaque être humain et le dotaient d’un destin propre, et mieux encore et en remontant plus avant dans le temps, avec cette Terre-Mère dont les gravures rupestres de l’âge du bronze scandinave attestent l’extrême popularité ainsi que l’extension de son culte. Avec ces deux thèmes de destin et de fertilité-fécondité, qui sont en interaction, on se trouve au cœur de la religion nordique ancienne.

La nuit des Mères mentionnée par Bède et associée à la fête de jul (Noël) — c’est-à-dire au sacrifice rituel et saisonnier aux Alfes (álfablót ) —, fête de la fécondité par excellence, serait alors ou bien une perpétuation ou bien une résurgence intéressante d’une attitude cultuelle aussi vieille que le monde nordique. Et, à l’époque où écrit Bède, dans le monde anglo-saxon plus ou moins coupé de la souche scandinave, il n’est pas interdit de chercher, derrière la nuit des Mères, un souvenir plus ou moins inconscient du culte autrefois voué à Frigg ou à Freyja, l’une et l’autre maîtresses de la fertilité-fécondité.

717

Un Saint (Saint Hubert) contribue à fonder la ville chérie (Liège) de l’auteur de ces Chroniques.

De très grande famille, probablement apparenté aux Pépin, la famille de l’Empereur Charlemagne, Hubert était sans doute marié quand il fut élu évêque de Maastricht vers 705. Il travailla à extirper de son diocèse les restes d’idolâtrie.

Le 24 décembre 717 (ou 718), il transféra de Maastricht à Liège les reliques de son prédécesseur immédiat, le martyr Lambert. Liège devint ainsi siège épiscopal. Hubert mourut à Tervueren et il fut enseveli à Liège. On porta ses reliques devant l’autel le 3 novembre 743, et c’est à l’anniversaire de cette cérémonie que fut fixée sa fête.

En 825, on donna une partie de ses reliques au monastère d’Andage dans les Ardennes, qui prit le nom de Saint-Hubert. C’est là que se développa la légende du saint, qui d’évêque fut transformé en jeune seigneur chasseur.

Dans ce monastère, on élevait une race de chiens qui prirent son nom, et on invoqua le saint contre la rage.

1800

L’attentat de la rue Saint-Nicaise. Napoléon, jeune général dont l’étoile monte dans le ciel révolutionnaire, n’a pas que des amis !

Le 24 décembre 1800, à vingt heures, une explosion, cinq secondes après le passage de la voiture de Napoléon Bonaparte, alors Premier consul, et qui se rend à l’Opéra, ravage les immeubles de la rue Saint-Nicaise qui longe l’actuel musée du Louvre, des guichets de Rohan à ceux du Carrousel. Des barils remplis de poudre et de ferraille ont été dissimulés sous la paille d’une charrette.

L’explosion qui épargne Bonaparte et Joséphine fait quatre morts et treize blessés graves. L’habile diffusion du signalement des conducteurs et du cheval met la police sur la piste des auteurs de l’attentat, que les adversaires de Fouché voulaient jacobins et qui étaient en réalité des conspirateurs royalistes nommés Limoëlan, Saint-Réjant, La Haye, Joyaux et Carbon.

Les coupables sont arrêtés, jugés par le tribunal criminel de la Seine et guillotinés place de l’Hôtel-de-Ville le 21 avril 1802, à l’exception de Limoëlan, resté introuvable et qui entre dans les ordres. Cet attentat précipite l’avènement du consulat à vie, puis de l’Empire.

1888

Van Gogh tente de tuer Gauguin.

En février 1888, Van Gogh avait quitté Paris pour le Sud de la France où, sous le soleil de Provence, il peignait des paysages et des scènes de genre de la vie méridionale. L'artiste, installé à Arles, commença à employer des touches courbes, tourbillonnantes et des couleurs pures : le jaune, le vert et le bleu en particulier.

Cette technique, si spécifique à l'œuvre de Van Gogh, apparaît dans les célèbres toiles représentant sa " Chambre à coucher " (1888, Rijksmuseum Vincent Van Gogh, Amsterdam), et " la Nuit étoilée " (1889, musée d'Art moderne, New York). Tout phénomène visible, peint ou dessiné par Van Gogh, semble être doté d'une vitalité physique et spirituelle.

Dans son enthousiasme, il persuada Paul Gauguin, qu'il avait rencontré à Paris, de le rejoindre. Il souhaitait nouer avec lui une communauté artistique totale, allant jusqu’à la fusion spirituelle. Mais après moins de deux mois de travail commun, leur relation se détériora gravement et s'acheva par une dispute célèbre au cours de laquelle Van Gogh menaça Gauguin avec un rasoir. Cette même nuit du 24 décembre 1888, Van Gogh, pour s’auto-punir en quelque sorte, se trancha une oreille.

Quelques mois plus tard, il entra de plein gré à l'asile de Saint-Rémy-de-Provence où il peignit avec acharnement. De cette période date un grand nombre de chefs-d'œuvre, dont les Blés jaunes (1889, National Gallery, Londres). En mai 1890, l'artiste quitta le Midi et rejoignit son frère Théo à Paris. Il s'installa non loin de là, à Auvers-sur-Oise, près de la maison du docteur Gachet qui admirait et soutenait déjà plusieurs peintres impressionnistes, et dont Van Gogh fit le portrait. L'artiste travaillait avec ardeur. Pourtant, le 27 juillet 1890, il se tira un coup de revolver et décéda deux jours plus tard. Cfr Chroniques du 30 Mars (naissance) et 29 Juillet (mort).

1906

La naissance de James Hadley Chase, le créateurs d’une humanité baroque.

Né à Londres le 24 décembre 1906, René Brabazon Raymond est le fils d’un colonel de l’armée des Indes qui destine son fils à une carrière scientifique. D’abord élève de la Rochester King’s School, le futur Chase prépare un diplôme de bactériologie, puis va étudier à Calcutta les effets de la rage. Après avoir servi dans la R.A.F. comme chef d’escadron, il devient courtier en librairie.

En 1933, il épouse Sylvia Ray, qui lui donne un fils. Ayant épuisé les joies du porte-à-porte, René Raymond écrit en six week-ends son premier roman, " Pas d’orchidée pour miss Blandish " , dans lequel il parodie habilement " Sanctuaire "  de Faulkner. Publié à Londres en 1939, le livre obtient un succès foudroyant : jamais encore on n’avait amoncelé autant de cruauté et de turpitudes en si peu de pages ; René Raymond adopte le pseudonyme de James Hadley Chase. Il utilisera très vite d’autres noms de plume, cela pour une raison pratique : l’Angleterre est en guerre, le papier rationné, et chaque nouvelle identité signifie une attribution de papier supplémentaire. Une centaine de romans noirs devaient suivre, avec une régularité métronomique.

En virtuose, Chase exécute systématiquement des variations sur un thème unique : la déchéance. Quel que soit le héros de ses livres — journaliste ambitieux, détective intègre, individu quelconque cherchant à acquérir un statut social —, il rencontrera immanquablement une femme, ou plutôt la  femme. Véritable mante religieuse, perverse, cupide et destructrice, celle-ci le conduira à sa perte après avoir fait de lui un criminel.

En raison de la structure et du rythme cinématographiques du récit, le lecteur, matraqué par l’action violente, les personnages sordides, les hécatombes sanglantes, ne peut que s’identifier, le temps du roman, au "héros" manipulé et poussé inéluctablement à la mort brutale.

Mais à partir de 1970, Chase modifie sa formule avec le cycle beaucoup plus apaisé de " Paradise City ". Comme s’il s’était lassé d’engendrer des monstres... Son œuvre abondante comporte, certes, des temps morts, mais aussi quelques chefs-d’œuvre : " Traquenards " , " Eva " , " Miss Shumway jette un sort " , douze Chinetoques et une souris ".

Plus de trente titres donnèrent lieu à des adaptations cinématographiques, généralement édulcorées. Mais le lecteur n’oubliera jamais l’essentiel, cette sarabande monstrueuse de tueurs sadiques, de femmes lascivement criminelles, de fous sanguinaires, de tortionnaires souriants, véritable cour des miracles qui peuple " La Chair de l’orchidée " , " Garces de femmes "  ou " La Petite Vertu " ...

1963

La mort d’un sage qui fut l’anarchiste de l’Art, le créateur de " Dada ", Tristan Tzara.

Tzara, Tristan, né en 1896, est un poète français d'origine roumaine qui fonda le mouvement dada.

De son vrai nom Samuel Rosenstock, il fit des études de mathématiques et de philosophie en Roumanie où il composa ses premières pièces d'inspiration symboliste. Convaincu de la vanité des valeurs traditionnelles de l'Occident, assimilant la révolte poétique à la révolution sociale, il fonda à Zurich, pendant la Première Guerre mondiale, le mouvement dada dont il définit plus tard les objectifs (" Sept Manifestes dada ", 1924). Destinées non à être lues, mais à être déclamées, ses premières œuvres se révélèrent profondément nihilistes (" Poèmes nègres ", 1916 ; " Poèmes simultanés ", 1917 ; " Vingt-Cinq et Un Poèmes ", 1918 ; " Première Aventure céleste de Monsieur Antipyrine ", écrite en 1916, jouée en 1920 ; " Deuxième Aventure de Monsieur Antipyrine ", crée en 1920). Alors que Tzara se conciliait à Paris les jeunes poètes français groupés autour de la revue Dada (dont Breton, Éluard, Péret), Picabia faisait franchir l'océan au mouvement en l'ancrant à New York.

La représentation de sa pièce " le Cœur à gaz ", en 1922, mit au grand jour les dissensions avec les surréalistes.

Dès 1923, dans le recueil " De nos oiseaux ", Tzara exprima sa volonté de transposer sur un plan plus intériorisé les découvertes dadaïstes. Le poète recoupa souvent le chemin des surréalistes, parmi lesquels il comptait de fortes amitiés (Éluard p. ex.), et imprima à son œuvre un ton plus lyrique qui alla s'affirmant, de " l'Indicateur des chemins du cœur " (1928) au chef-d'œuvre de poésie surréaliste, " l'Homme approximatif " (1931). Sa définition de l'homme " un peu animal, un peu fleur, un peu métal, un peu homme, mais accessible à l'universalité ", servit de fondement à sa défense de la poésie considérée comme une "activité de l'esprit". L’"Essai sur la situation de la poésie " (1931) tenta de ménager une possible fusion de l'homme social et du poète et des recueils tels que " Où boivent les loups " (1933), " Grains et Issues " (1935) continuèrent à explorer les pouvoirs de l'image.

En 1935, Tzara affirma son engagement politique, et ses recueils traduisirent cette emprise des événements de l'époque (" la Main passe ", 1936 ; " Chant de guerre civile ", 1936 ; " Midis gagnés ", 1939).

Sous l'Occupation, il soutint les activités de la Résistance dans la zone sud, puis, en 1947, adhéra au parti communiste. " Parler seul ", paru en 1950, témoigna de cette trajectoire.

Établi dans le Sud de la France, Tzara contribua après guerre au renouveau des études occitanes. Son œuvre exigeante compte parmi les principales tentatives artistiques du siècle, consacrées à réconcilier l'action et le rêve.

Cam.

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Toutes ces chroniques ont été écrites par Cam (cleclercq@cybernet.be)
Dernière modification le 30/12/98, ©camilist 1998 --- une remarque ? jrmasson@nordnet.fr !